Déjà donnée en novembre à Tours, puis Reims, la nouvelle production du Petit Faust
(1869) d’Hervé fait étape à l’Athénée pour les fêtes de fin d’année.
C’est là une occasion finalement assez rare d’apprécier la musique aussi
piquante qu’enjouée de ce rival et ami d’Offenbach, dont peu de titres
ont été montés ces dernières années, tels Mam’zelle Nitouche en 2019 ou Les Chevaliers de la Table ronde en 2021.
Avec Le Petit Faust, on tient l’un des derniers survivants d’un
genre en grande partie oublié, celui des parodies d’ouvrages sérieux à
succès : particulièrement en vogue au XIXe siècle, ces pièces
en forme de farce se situaient à mi‑chemin entre opéra‑comique,
vaudeville et opérette, avec incorporation d’extraits musicaux de
l’ouvrage moqué. Pour autant, c’est surtout le livret qui en prend pour
son grade, en ridiculisant Faust en vieillard libidineux et obnubilé par
sa seule dulcinée (alors qu’il pourrait prétendre à bien davantage de
conquêtes féminines). Marguerite, quant à elle, devient une gamine
impertinente et frivole, tandis que le diable prend les traits et la
voix d’une femme. En tant que lieu de l’action, l’Allemagne n’est pas
oubliée, notamment lors d’un air volontairement lourd, aux accents
campagnards. De même, l’Angleterre est moquée avec le retour de
Valentin : est‑ce là une allusion à l’ajout du superbe air « Avant que
de quitter ces lieux », composé par Gounod pour la première britannique
de l’ouvrage, à Londres en 1863 ? Quoi qu’il en soit, on peut
parfaitement apprécier le spectacle sans connaître ces subtilités, du
fait du choix d’une transposition des événements pour moquer la
niaiserie des jeux télévisées et des grands shows de variété des années
1980.
Cette idée étonnante est développée par Sol Espeche, que l’on a pu découvrir en 2023 dans une production déjantée, donnée à l’Athénée déjà, Coups de roulis d’André Messager. Dans ces mêmes lieux, elle s’est aussi illustrée en tant que comédienne dans la production d’Ubu Roi de Claude Terrasse, l’an passé.
Avec des dialogues revus et modernisés, Espeche nous embarque dans une
satire haute en couleur, d’une énergie survitaminée, sans doute
excessive sur la durée. Quelques scènes souffrent de ce traitement au
vitriol, à l’instar de la Chanson de la puce, dont on peine à percevoir
la férocité de l’allusion (ou plus précisément la paronomase) pour ces
riches messieurs avides de cocottes à la chair fraîche. On pourra aussi
s’agacer de l’insistance sur les penchants pédophiles supposés de Faust,
heureusement contrebalancée par des audaces plus en phase avec le
cocktail général de fantaisie bon enfant.
Le plateau vocal est dominé par le brillant Méphisto de Mathilde
Ortscheidt, dont les graves mordants et la projection aisée constituent
des atouts décisifs pour servir son aplomb théâtral. On aime aussi le
Faust à l’émission claire et articulée de Charles Mesrine, tandis
qu’Anaïs Merlin et Igor Bouin ne sont pas en reste dans l’abattage
scénique. Tous les seconds rôles sont au diapason de cette joyeuse bonne
humeur, bien épaulés dans la fosse par le geste attentif et souple de
Sammy El Ghadab, à la tête des toujours excellentes Frivolités
Parisiennes.
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
mardi 16 décembre 2025
« Le Petit Faust » d'Hervé - Sol Espeche - Théâtre de l'Athénée à Paris - 14/12/2025
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