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| Elisabeth Leonskaïa | 
Est-il encore besoin de la présenter? Elisabeth Leonskaïa, celle que 
d’aucuns appellent la «dernière grande dame de l’école soviétique», 
revient à Besançon après son dernier récital consacré à Schubert voilà 
deux ans. Place cette fois à un concerto, deuxième (par la numérotation)
 de Beethoven en ce domaine. Composée en 1795, l’œuvre est encore 
redevable à Mozart, ce que la grande pianiste russe n’oublie pas, 
dévoilant un toucher aérien et gracieux, épris de sensibilité. 
Volontiers expressive dans la narration, Leonskaïa sait aussi faire 
preuve d’autorité, particulièrement dans la cadence véloce. Ce Beethoven
 apaisé évoque plutôt une symphonie concertante avec piano, sans 
brutalités, dont le toucher racé pourra sembler manquer de surprise à un
 auditeur rétif à cette constante volonté de douceur subtile. Si 
l’élégance des phrasés ou la lenteur habitée de l’artiste pourraient à 
elles seules nous contenter, Leonskaïa sait aussi faire chanter son 
piano, particulièrement dans le superbe Adagio au tempo suspendu.
 A ses côtés, Dennis Russell Davies lui répond dans le même sens, 
distillant un accompagnement soigné, sans maniérisme. Dommage que les 
différents pupitres de cordes, un peu ternes, manquent d’individualités.
 En bis, la pianiste russe offre à nouveau l’étalage de sa sérénité 
radieuse au final de la Dix-septième Sonate «La Tempête» de 
Beethoven, avant de se fondre parmi le public à l’entracte, répondant 
aux différentes sollicitations dans une étonnante simplicité.
En parfait contraste avec l’effectif orchestral réduit du concerto de 
Beethoven (aucune clarinette, une seule flûte et seulement deux cors), 
la seconde partie de ce concert de clôture se déroule sous les auspices 
d’un grand ensemble pléthorique – propre aux symphonies du XXe siècle. 
On retrouve la suite Les Planètes de Gustav Holst, une œuvre 
célébrissime qui a complètement occulté les autres opus du compositeur, 
rarement joués en dehors du Royaume-Uni. Passionné d’astronomie et 
d’astrologie, le Britannique donne à ses sept planètes (sans la Terre ni
 Pluton, non encore découverte en 1917) des «caractères» différents, 
prétexte à des variations au charme mélodique évocateur. Le chef 
américain prend l’exact contrepied d’une interprétation privilégiant la 
mélodie principale pour faire ressortir chaque contrechant, dans un 
rythme lent et solennel, marquant les scansions de manière abrupte. 
Cette vision assez univoque, très raide, rend plus sombre encore le 
premier mouvement («Mars»), tandis que les mouvements dansants 
(«Mercure» et «Uranus») s’avèrent plus réussis. Evitant tout lyrisme, 
l’ensemble de l’œuvre apparaît plus moderne mais manque indéniablement 
de poésie ou d’émotion. Intellectuellement intéressante, une telle 
vision se révèle trop souvent inégale avec ses baisses de tension mais 
aussi ses fulgurances, tel un superbe crescendo dans la poignante 
«Saturne». Dennis Russell Davies y brosse là davantage le portrait de 
l’ennui que de la vieillesse annonciatrice de mort. A moins que cet 
homme s’ennuie de ne pas mourir assez vite?
Chef associé du festival de Besançon, Dennis Russell Davies dirigera 
l’an prochain le concours international de jeunes chefs d’orchestre, ici
 même. Une manifestation présidée avant lui par de prestigieux maestros,
 dont le regretté Gerd Albrecht, disparu en début d’année à l’âge de 78 
ans. L’organisation du festival, se rappelant qu’il en fut l’un des tout
 premiers lauréats en 1957, lui a fort opportunément dédié sa 
soixante-septième édition.

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