Soutenu par un 
orchestre et un chœur splendides, un plateau vocal idéal illumine 
« la Damnation de Faust » de Berlioz. Et
      ce, même si la palette des émotions exprimée sur le seul visage du
 ténor Michael Spyres aurait déjà suffi à nous contenter !
Le
      Festival Berlioz reprend vie dès 1994 à La Côte-Saint-André, ville
 natale du musicien, située à moins d’une heure de Lyon ou Grenoble. 
Depuis lors, la manifestation s’est
      peu à peu imposée comme une référence, travaillant bien sûr à 
porter haut l’œuvre d’Hector Berlioz (1803-1869) jusqu’aux plus absolues
 raretés, tout en militant pour faire apprécier
      d’autres artistes moins renommés. La programmation 2014 met ainsi 
l’accent sur Berlioz et l’Amérique, offrant par exemple de découvrir un 
parfait contemporain du compositeur, le méconnu
      Félicien David et son ode-symphonie Christophe Colomb, ou encore le pianiste américain Edward MacDowell (1860-1908) dans l’un de ses concertos.
    
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| Michael Spyres et François-Xavier Roth | 
      Une organisation audacieuse qui permet au spectateur de retrouver 
l’enfant du pays lors de nombreux concerts, tout en consacrant une 
opportune visite à sa maison natale – authentique musée
      complet sur trois étages, tout à la gloire du génial Français. 
Pour sa dernière soirée, le Festival propose l’une des créations les 
plus populaires de Berlioz (aux côtés de l’inévitable
      Symphonie fantastique), la Damnation de Faust. 
Si cet opus reçoit le nom de « légende dramatique », et non pas d’opéra,
 cela s’explique par le
      caractère hybride de la partition, qui donne une place 
omniprésente à l’orchestre tout comme au chœur, tous deux véritables 
acteurs du drame. Assez déroutante, l’œuvre se laisse peu à peu
      apprivoiser, convainquant pleinement par l’entrecroisement 
virtuose des idées musicales, l’éclat rythmique ou la variété de son 
orchestration.
    
    
Un orchestre-académie pour les jeunes
    
    
      Très statique en son début, l’œuvre peut dérouter le profane par 
le peu d’action avant la décisive rencontre entre Faust et 
Méphistophélès, prélude au fameux pacte signé entre les
      deux hommes. C’est pour ces raisons que l’on représente très 
souvent cette « légende » en version de concert – ce qui est précisément
 le cas à La Côte-Saint-André cette
      année. On retrouve à la baguette François‑Xavier Roth, fondateur 
de l’orchestre Les Siècles, à la tête d’une vaste formation réunissant 
ses musiciens habituels, auxquels s’ajoutent
      soixante élèves parmi les plus brillants de différents 
conservatoires européens. Spécialement conçu pour le Festival, cet 
orchestre-académie opère sur le modèle de celui de Verbier, en Suisse.
    
    
      Roth s’affirme tout du long par une direction précise, toujours 
attachée à ne pas escamoter les toutes dernières notes des airs ou 
ensembles, offrant ainsi aux brumes éthérées du début un écrin
      délicat et évocateur. Mais il sait aussi faire rugir son groupe 
sur instruments d’époque, très réactif hormis quelques défaillances 
techniques aux cuivres, lorsque la partition s’anime. On
      retiendra donc une magnifique course à l’abîme en fin d’ouvrage, 
véritable maelstrom sonore dans lequel s’engouffrent tous les musiciens 
et chanteurs. Préparé par Nicole Corti, le
      chœur Britten affiche une belle cohésion, assumant pleinement son 
rôle prépondérant grâce à ses qualités de projection et de diction. 
 
    
Un Michael Spyres en larmes
    
    
      Côté chanteurs, Michael Spyres impressionne de bout en bout dans son lourd rôle de Faust. Comme à Saint-Denis en juin dernier,
 le ténor américain impose son timbre
      clair et olympien, tout en se délectant de la partition comme 
jamais, n’hésitant pas à se tourner vers l’orchestre pour ressentir les 
évocations subtiles de Berlioz. Faisant corps avec son
      personnage, il lâche même quelques larmes discrètes en 
première partie. Dommage qu’Anna Caterina Antonacci (Marguerite) n’ait 
pas souhaité interpréter au-delà de la seule version
      de concert, imprimant à son rôle une intériorité contenue, mais 
heureusement bouleversante par les qualités de son chant. Son sens du 
phrasé, toujours aussi éloquent, compense désormais un
      timbre un rien métallique et une émission plus étroite. Enfin, 
Nicolas Courjal offre un jeu convaincant à son Méphistophélès, tour à 
tour autoritaire et moqueur. Souplesse de
      l’articulation, richesse du timbre aux couleurs variées, il n’est 
pas pour rien dans l’ovation finale qui conclut la soirée.
    

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