mardi 21 avril 2015

« Mefistofele » de Arrigo Boito - Opéra d'état de Prague - 15/04/2015


Il a récemment été question dans ces colonnes de la sortie en DVD d’un Mefistofele revisité par Robert Carsen – une production qui avait fait date dans les années 1980, relançant l’intérêt pour le chef-d’œuvre de Boito à travers les Etats-Unis tout particulièrement. Si l’œuvre reste plus rare en Europe, l’Opéra de Prague vient de l’inclure opportunément à son répertoire en tout début d’année, autour d’une nouvelle production qui sera reprise au long de la saison 2015-2016.

D’emblée, la mise en scène d’Ivan Krejcí affiche un minimalisme qui repose sur un décor unique pendant toute la représentation, constitué d’une sorte de paravent épousant la forme en demi-cercle du fond de scène. Très présente, la vidéo est utilisée pour créer de nombreux effets de superposition de motifs géométriques, figurant des ambiances et atmosphères résolument irréelles et fantastiques. Si les quelques accessoires, tel un podium inaugurant un défilé de mode, rythment les nombreuses interventions des figurants et danseurs, ils ne parviennent pas à totalement masquer le peu de moyens manifestement accordés à cette production. Quant à l’idée de présenter Mefistofele en magnat de la haute-couture, réduisant la foule à des fidèles incrédules, elle séduit dans un premier temps mais ne convainc pas réellement sur la distance. La scène du sabbat se révèle assez sobre, mais Krejcí ose davantage ensuite avec la scène de l’agonie de Margherita, cernée de cadavres de bébés sur des lits de morgue. Une rare audace pour une mise en scène efficace mais trop sage.


On pourra regretter également la constante propension à placer les chanteurs en bord de scène, sans doute pour les aider à déjouer les pièges de l’acoustique très sèche de l’Opéra d’Etat de Prague, écrin splendide pour les yeux qui bénéficie judicieusement – comme le Théâtre national – de surtitres en anglais. Dans le rôle de Mefistofele, Peter Mikulás arrive à faire oublier un timbre un peu terne par une technique solide, d’une belle ampleur. Si le Faust de Raúl Gabriel Iriarte affiche une belle musicalité, il se montre plus à la peine dans l’aigu, souvent forcé - peu aidé par une émission étroite. Incontestable joyau vocal de la soirée, Alzběta Polácková impose une Margherita à la ligne souple et agile dans son air conclusif au III, intense et bouleversante. A peine regrettera-t-on un manque de projection notable dans les ensembles.


Autour d’elle, tous les seconds rôles sont parfaits, particulièrement le beau timbre corsé de Jitka Svobodová (Helena), tandis que les chœurs très précis de l’Opéra d’Etat de Prague secondés par un superlatif chœur de garçons font merveille. Si la direction de Marco Guidarini manque parfois de relief, elle exalte les timbres par une lenteur ensorcelante, évitant tout pompiérisme pour mettre en avant une ferveur toujours impressionnante d’équilibre et de justesse.

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