mercredi 13 juin 2018

« Arianna in Creta » de Haendel - Ulrichskirche à Halle - Festival de Halle - 09/06/2018

© Thomas Ziegler
Dans la chaleur étouffante de l’ancienne église Saint-Ulrich, désormais désacralisée et dévolue aux concerts, voilà que le festival de Halle nous propose l’une des affiches les plus alléchantes de la saison avec la version de concert d’Ariane en Crète (1734) : le plateau vocal réuni rassemble en effet des chanteurs baroques de tout premier plan jusque dans les moindres seconds rôles, expliquant la foule en nombre et l’enthousiasme général tout au long de la soirée. L’une des plus grandes satisfactions, au-delà du pur plaisir vocal, est l’ambiance de franche camaraderie qui règne sur le plateau: les sourires se lisent sur tous les visages qui s’encouragent et se congratulent, bien conscients de la valeur de chacun.

Il faut dire que le jeune chef russe Maxim Emelyanychev ne ménage pas ses efforts pour entraîner les interprètes à donner le meilleur, par une gestuelle aussi attentive que volubile... tout en dirigeant du clavecin. L’effet visuel n’est pas toujours heureux, tant cette débauche d’énergie frise l’hystérie, n’évitant pas quelques décalages avec les chanteurs, mais il faut reconnaître un amour sincère pour cette musique défendue avec panache. On regrettera aussi que l’acoustique de Saint-Ulrich favorise par trop les voix au détriment de l’orchestre: le travail avec l’ensemble Il Pomo d’Oro est ainsi noyé dans un fondu peu lisible malgré l’effectif réduit à douze cordes. Il faut dire que l’ouvrage de Haendel semble avoir privilégié l’écriture pour les voix, à l’inverse par exemple de Muzio Scevola (voir la représentation donnée la veille à Bad Lauchstädt, dans le cadre du festival).


Pour autant, avec un tel plateau vocal, nul ennui possible. On mentionnera en tout premier lieu une impériale Karina Gauvin (Ariane), faisant de chaque note un sortilège de couleurs, de nuances et de poésie, avec sa technique souple et aérienne basée sur un vibrato audible mais jamais envahissant. La pureté du timbre, intacte, comme la rondeur des phrasés, font de chacune de ses interventions un plaisir renouvelé. Elle affiche une grande complicité avec l’autre grande star de la soirée en la personne d’Ann Hallenberg (Thésée), très en forme. L’émission plus naturelle de la mezzo lui permet de se jouer de toutes les difficultés techniques avec une aisance stupéfiante, particulièrement dans les passages virtuoses entonnés en des tempi d’enfer. Le timbre garde toute sa beauté dans les graves, alors qu’on pourra noter une légère perte de substance dans l’aigu ou les vocalises: mais à ce niveau-là, ces réserves ne sont que mineures.


A ses côtés, Francesca Aspromonte (Alceste) impose sa force de caractère autour d’une interprétation rayonnante d’aisance la aussi: la voix plus tendue est un régal de précision dans la prononciation (les «r» roulés notamment). Autre grande dame, Kristina Hammerström (Carilda) émerveille par la noblesse de son chant basé sur la pureté de la ligne et la respiration harmonieuse. A peine pourra-t-on regretter une projection plus limitée par rapport à ses consœurs. Rien de tel pour Mary-Ellen Nesi qui s’impose dans le rôle de Tauride avec beaucoup de conviction. Sa superbe articulation et son impact physique lui valent des applaudissements nourris elle aussi. On mentionnera enfin Andreas Wolf dans le court rôle de Minos (un seul air), dont les qualités de diction et le volume sonore emportent l’adhésion.

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