Depuis son accession au poste de directeur de l’Opéra de Dijon en 2007,
Laurent Joyeux développe une programmation audacieuse afin de rivaliser
avec les grandes maisons régionales que sont l’Opéra de Lyon et l’Opéra
du Rhin notamment. On en prendra pour preuve le bénéfice de la résidence
de Leonardo García Alarcón accompagné de raretés absolues du répertoire
tels qu’ El Prometeo d’Antonio Draghi ou La finta pazza
de Francesco Sacrati (à découvrir en février prochain), tout autant que
l’ éclairage bienvenu apporté sur l’œuvre de Leos Janácek, l’un des
plus importants compositeurs tchèques avec Smetana, Dvorák et Martinů.
Place à présent, après Kátia Kabanová mis en scène par Laurent Joyeux lui-même en 2015, au premier chef-d’œuvre de son auteur, Jenůfa, donné pour la première fois à l’Opéra de Dijon, dans la version de 1908.
Pour cet événement, Laurent Joyeux a la bonne idée de confier à un orchestre tchèque la mise en valeur des moindres inflexions musicales voulues par Janácek: Jenůfa fait en effet partie de ces ouvrages dont le rôle prépondérant de l’orchestre le place comme un personnage à part entière. Ca n’est donc pas la moindre des satisfactions que de bénéficier des couleurs locales des Czech Virtuosi, un ensemble basé dans la ville natale de Janácek à Brno. On se félicitera aussi de la présence du chef norvégien Stefan Veselka, dont les origines tchèques lui donne une parfaite maîtrise de cette langue, à même de donner une belle cohésion à un ensemble de chanteurs venus de tous horizons. Sous sa baguette, les cordes frémissantes se jouent admirablement des différents climats de l’ouvrage, mêlant folklore local et mélodrame flamboyant. On retiendra aussi les interventions abruptes des percussions en phase avec les intentions du compositeur, tandis que les vents se montrent un rien en retrait.
Deux ans après l’Orfeo présenté ici-même, Yves Lenoir choisit d’évacuer le folklore de l’ouvrage pour lui préférer une transposition intemporelle mais assez impersonnelle et interchangeable dans son expression visuelle. On retrouve logiquement le même décor au I et III, là où les logiques de pression du groupe, d’observation des convenances et des jeux de rôle sont à l’œuvre. La scénographie minimaliste fait le choix d’une vaste tôle d’usine encadrant un horizon volontairement réduit, rappelant le peu de perspectives des personnages pris dans l’engrenage de déterminismes sociaux. Cette production permet ainsi de découvrir l’ouvrage sans scories ou transposition maladroite, autour d’une direction d’acteur précise et soutenue, mais pourra décevoir le connaisseur faute de parti pris et de prise de risque à même de donner un enjeu ou un éclairage différents. Parmi les rares pistes audacieuses suggérées, on retiendra le baiser effleuré de Kostelnicka sur les lèvres de Steva au II – une idée non exploitée ensuite – et plus encore la très belle image finale de Jenůfa et Laca tentant de se rejoindre malgré la distance de la table entre eux. De quoi donner un peu de crédibilité à ce rapprochement trop rapide, en forme de happy end souvent moqué.
Face à cette mise en scène sérieuse mais peu enthousiasmante, le plateau vocal réuni affiche un niveau de fort belle tenue, et ce malgré le rôle-titre décevant tenu par une Sarah-Jane Brandon à la projection nettement insuffisante. Plusieurs fois couverte par l’orchestre au I et au III, notamment dans les aigus, elle se rattrape quelque peu au II avec ses qualités de phrasé et sa composition touchante. Sabine Hogrefe (Kostelnicka) rencontre les mêmes difficultés de puissance mais s’en sort mieux du fait de ses beaux graves cuivrés, à même de donner une noirceur opportune à son personnage. On retiendra également la très belle musicalité de Magnus Vigilius (Steva), au chant fluide et distingué, tandis que Daniel Brenna (Laca) joue davantage l’expression en force. Il n’en reste pas moins que ces interventions déchirantes donnent le frisson à force de vérité. Il lui faut désormais élargir son émission pour convaincre pleinement dans le médium. On mentionnera encore la superlative Starenka de Helena Köhne, à l’interprétation vibrante, tandis que tous les seconds rôles se montrent à la hauteur. De quoi donner aux scènes de groupe une belle intensité dramatique, il est vrai soutenue par le Chœur de l’Opéra de Dijon. Assurément un spectacle de bonne tenue, à découvrir jusqu’au 30 septembre, avant sa présentation l’an prochain à Caen.
Pour cet événement, Laurent Joyeux a la bonne idée de confier à un orchestre tchèque la mise en valeur des moindres inflexions musicales voulues par Janácek: Jenůfa fait en effet partie de ces ouvrages dont le rôle prépondérant de l’orchestre le place comme un personnage à part entière. Ca n’est donc pas la moindre des satisfactions que de bénéficier des couleurs locales des Czech Virtuosi, un ensemble basé dans la ville natale de Janácek à Brno. On se félicitera aussi de la présence du chef norvégien Stefan Veselka, dont les origines tchèques lui donne une parfaite maîtrise de cette langue, à même de donner une belle cohésion à un ensemble de chanteurs venus de tous horizons. Sous sa baguette, les cordes frémissantes se jouent admirablement des différents climats de l’ouvrage, mêlant folklore local et mélodrame flamboyant. On retiendra aussi les interventions abruptes des percussions en phase avec les intentions du compositeur, tandis que les vents se montrent un rien en retrait.
Deux ans après l’Orfeo présenté ici-même, Yves Lenoir choisit d’évacuer le folklore de l’ouvrage pour lui préférer une transposition intemporelle mais assez impersonnelle et interchangeable dans son expression visuelle. On retrouve logiquement le même décor au I et III, là où les logiques de pression du groupe, d’observation des convenances et des jeux de rôle sont à l’œuvre. La scénographie minimaliste fait le choix d’une vaste tôle d’usine encadrant un horizon volontairement réduit, rappelant le peu de perspectives des personnages pris dans l’engrenage de déterminismes sociaux. Cette production permet ainsi de découvrir l’ouvrage sans scories ou transposition maladroite, autour d’une direction d’acteur précise et soutenue, mais pourra décevoir le connaisseur faute de parti pris et de prise de risque à même de donner un enjeu ou un éclairage différents. Parmi les rares pistes audacieuses suggérées, on retiendra le baiser effleuré de Kostelnicka sur les lèvres de Steva au II – une idée non exploitée ensuite – et plus encore la très belle image finale de Jenůfa et Laca tentant de se rejoindre malgré la distance de la table entre eux. De quoi donner un peu de crédibilité à ce rapprochement trop rapide, en forme de happy end souvent moqué.
Face à cette mise en scène sérieuse mais peu enthousiasmante, le plateau vocal réuni affiche un niveau de fort belle tenue, et ce malgré le rôle-titre décevant tenu par une Sarah-Jane Brandon à la projection nettement insuffisante. Plusieurs fois couverte par l’orchestre au I et au III, notamment dans les aigus, elle se rattrape quelque peu au II avec ses qualités de phrasé et sa composition touchante. Sabine Hogrefe (Kostelnicka) rencontre les mêmes difficultés de puissance mais s’en sort mieux du fait de ses beaux graves cuivrés, à même de donner une noirceur opportune à son personnage. On retiendra également la très belle musicalité de Magnus Vigilius (Steva), au chant fluide et distingué, tandis que Daniel Brenna (Laca) joue davantage l’expression en force. Il n’en reste pas moins que ces interventions déchirantes donnent le frisson à force de vérité. Il lui faut désormais élargir son émission pour convaincre pleinement dans le médium. On mentionnera encore la superlative Starenka de Helena Köhne, à l’interprétation vibrante, tandis que tous les seconds rôles se montrent à la hauteur. De quoi donner aux scènes de groupe une belle intensité dramatique, il est vrai soutenue par le Chœur de l’Opéra de Dijon. Assurément un spectacle de bonne tenue, à découvrir jusqu’au 30 septembre, avant sa présentation l’an prochain à Caen.
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