samedi 10 août 2019

« La traviata » de Giuseppe Verdi - Festival de Peralada - 07/08/2019


On a beau avoir entendu La Traviata (1853) plusieurs fois dans sa vie, la redécouvrir dans le cadre du parc du château de Peralada (Catalogne) est toujours un enchantement: après une journée torride, la fraîcheur de la nuit apporte un réconfort bienvenu, également apprécié par les cigognes qui ont trouvé refuge dans ce havre de verdure. Leurs craquètements joyeux en témoignent, avant de rapidement disparaître dès les premières mesures du drame: il faut dire que la direction de Riccardo Frizza (né en 1971), toute de respiration et d’élégance, appelle d’emblée à la concentration en offrant un écrin de toute beauté.

Très affûté, l’Orchestre de l’Opéra de Barcelone répond avec vivacité à cette lecture légère et aérienne, toujours au service de la narration. C’est là l’un des plus beaux atouts de la soirée, avec les solistes réunis et l’impeccable Chœur Intermezzo, très précis dans ses interventions. Peralada parvient en effet, au-delà des seconds rôles de très bonne tenue (hormis le placement de voix perfectible de Carles Daza dans le court rôle de Douphol), à réunir un trio vocal de premier plan, indispensable à la réussite de toute Traviata. Ekaterina Bakanova incarne une Violetta saisissante de vérité, imposant son tempérament pendant toute la représentation, particulièrement au II. Elle laisse entrevoir quelques imperfections techniques dans les changements de registre au I et quelques aigus forcés, mais se rattrape par de belles couleurs et quelques nuances bienvenues dans les piani. A ses côtés, René Barbera (Alfredo) ne se distingue guère au niveau dramatique – c’est un euphémisme – mais compense par une émission de velours, aux phrasés toujours nobles. C’est plus encore Quinn Kelsey (Giorgio) qui marque les esprits par son impact physique immédiat, donnant à sa voix large une belle résonance. Il faut toutefois prendre un peu de temps à s’habituer à son timbre particulier qui peut faire croire à une émission voilée – heureusement en phase avec ce rôle de père plus fragile qu’il n’y paraît, cerné par les remords en fin d’ouvrage.

Dommage que la mise en scène très visuelle de Paco Azorín ne soit pas tout à fait à la hauteur de l’événement: non pas qu’elle manque de qualités, avec ses beaux costumes à l’ancienne discrètement modernisés et sa direction d’acteur nerveuse (surtout au niveau du chœur, grimé en meute décadente), mais elle n’aide guère à la compréhension de l’œuvre en plaçant les interprètes dans un décor unique pendant toute la représentation, incarné par quatre billards mouvants. Le démon du jeu, qui permet à Alfredo d’imaginer pouvoir reconquérir Violetta au II, est ainsi mis au centre de l’attention. Pourquoi pas. Mais qu’apportent le renversement de ces billards à la verticale et les acrobaties de comédiens dans les hauteurs, si ce n’est l’impression d’un gadget conçu pour le seul plaisir des yeux? Le texte d’intention du metteur en scène a beau insister sur la figure de Violetta comme femme forte, cela ne se traduit absolument pas dans la mise en scène, qui semble manquer d’idées au-delà du confort visuel susmentionné. Dommage.

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