samedi 19 octobre 2019

« Manon Lescaut » de Giacomo Puccini - Alex Ollé (La Fura dels Baus) - Opéra de Francfort - 18/10/2019


Après le succès de son audacieux double spectacle Debussy/Honegger (qui sera repris l’an prochain), Alex Ollé fait son retour à Francfort pour une production qui devrait faire encore grand bruit. Le trublion catalan choisit cette fois de placer Manon Lescaut (1893) dans le contexte de la crise migratoire européenne, faisant de l’héroïne le jouet des sinistres manipulateurs de la misère humaine. Manon se retrouve ainsi propulsée dans un bar à strip-tease sinistre, avant que toute la scène ne soit envahie par un «Love» immense au III, comme un symbole de ce graal social que chacun se doit d’obtenir, quels qu’en soient les moyens, pour se réaliser pleinement: Alex Ollé moque cette injonction au bonheur par une direction d'acteur toujours aussi vibrante, même s’il peine à renouveler les tableaux dévoilés lors de chaque acte. La toute dernière partie apparaît ainsi bien longue dans sa nudité brute.

A ces impressions visuelles mitigées répond un couple malheureusement bien mal assorti au niveau vocal. Si Joshua Guerrero compose un Des Grieux qui joue à fond la carte du mélodrame, tirant ses phrasés vers des accents et des effets dignes de Vittorio Grigolo, il a aussi pour lui de superbes graves bien projetés. De puissance, Asmik Grigorian (Manon) ne manque pas dès lors que la voix est bien posée, se montrant plus décevante dans les autres registres avec une émission peu naturelle et un léger vibrato audible sur toute la tessiture. La soprano lithuanienne parvient pourtant à recueillir un accueil enthousiaste du public en fin de représentation, sans doute séduit par la capacité d’un aussi petit corps à fournir de telles déflagrations vocales. On préfère grandement à ces deux chanteurs le chant noble et posé de Iurii Samoilov (Lescaut), très subtil dans les piani. Tous les seconds rôles montrent une belle maîtrise (hormis le bien fatigué Géronte de Donato Di Stefano), de même que les chœurs, tandis que la direction de Takeshi Moriuchi séduit dans un premier temps par son allure vive et féline, occasionnant toutefois quelques décalages. Le jeune chef japonais, dont ce sont là les débuts à Francfort, pèche ensuite dans le volume sonore, en s’appuyant trop sur les seules cordes, au détriment de la progression graduelle des crescendi. Dommage.

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