dimanche 19 décembre 2021

« Hansel et Gretel » d’Engelbert Humperdinck - Denis Mignien - Opéra de Saint-Etienne - 17/12/2021

Indispensable menu de fête dans les pays germaniques, Hansel et Gretel (1893) d’Engelbert Humperdinck ne reste monté que plus épisodiquement dans l’Hexagone. Cette fin d’année permet de découvrir deux adaptations réalisées aux opéras de Dijon, pour piano à quatre mains, et à Saint-Etienne pour un effectif de neuf musiciens (six cordes, deux clarinettes et un cor), à chaque fois en réduisant l’ouvrage de moitié par rapport à sa durée initiale. C’est cette dernière production, imaginée par l’ensemble instrumental des Variétés lyriques, que l’on retrouve au Grand Théâtre Massenet, après avoir tourné à Roanne et Vichy à l’automne.

Disons-le tout net, cette adaptation ne restera pas dans les annales, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il apparaît surprenant de vouloir réduire aussi drastiquement un ouvrage pourtant joué dans sa totalité en Allemagne, sans que des générations de jeunes gens aient eu à en souffrir, bien au contraire. L’arrangement signé par Yann Stoffel et Philippe Perrin, du collectif musical Lacroch’, composé d’anciens élèves du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMDP), sabre dans les parties orchestrales en réduisant des deux tiers l’ouverture ou en supprimant purement et simplement le prélude, ainsi que la pantomime conclusive de l’acte II : ces passages ne sont pas seulement une merveille de poésie féerique, magnifiés par les subtilités et le lyrisme orchestral de Humperdinck, ils constituent une part importante du conte en évoquant le rapport des enfants à la nature, représentée par une forêt aussi attirante qu’inquiétante. Enfin, l’adaptation fait chanter le Marchand de sable par les deux parents en coulisse, tandis que le rôle est interprété par un comédien en pantomime, tout en supprimant le personnage de la Fée rosée, il est vrai peu présent dans l’imaginaire des jeunes Français.

Face à ces nombreuses coupures répond un autre parti pris discutable, celui de conserver un chant en allemand : on peut donc, en 2021, sabrer de moitié une œuvre, mais ne pas s’autoriser à chanter en français ? Rappelons que tous les ouvrages de cette période ont été créés en France en des versions chantées dans la langue de Molière, et ce jusque dans les années 1980. De nos jours, les Allemands continuent souvent d’adopter la version dans la langue de Goethe, y compris dans les grandes maisons d’opéra (voir par exemple la production récente de Mascarade de Nielsen à Francfort). Dès lors, le spectacle a l’idée de recourir à un narrateur pour expliquer au préalable le propos des scènes à venir. A ce jeu-là, François Rollin fait valoir un sens de l’humour bienvenu, mais ne pouvait-on associer des surtitres projetés en fond de scène ? Cela aurait aidé grandement à la compréhension des moindres jeux de mots et péripéties.


L’autre déception vient de l’interprétation tout juste correcte de l’ensemble des Variétés lyriques, trop marmoréen dans les passages apaisés et souffrant dans les parties enlevées (notamment un premier violon trop effacé et un cor défaillant avec ses nombreux couacs). Fort heureusement, la surprise vient du niveau global du chant, d’excellent niveau. Malgré un timbre un peu terne, Ronan Debois compose un Peter très solide, tandis que Jazmin Black-Grollemund donne plus encore de conviction à sa Gertrud, grâce à son beau timbre cuivré. A leurs côtés, Amélie Grillon (Hansel) et Alexandra Hewson (Gretel) s’emparent de leurs rôles avec un panache certain, le tout avec une belle aisance technique. On aime aussi la sorcière de Denis Mignien, d’une ivresse sonore gourmande dans la projection parfaite. On a certes déjà entendu sorcière plus farfelue dans son chant, mais ce parti pris « sérieux » se défend tout à fait.

Dommage que la mise en scène du même Denis Mignien affiche par trop son manque de moyens, réutilisant la maison de Hansel et Gretel pour figurer celle de la sorcière avec des éclairages guère inventifs. Seule la forêt de ballets apporte un élément bienvenu de fantaisie, mais c’est trop peu pour donner de l’ampleur à ce spectacle beaucoup trop sage et convenu sur la durée. On se consolera avec la suite de la saison alléchante de l’Opéra de Saint-Etienne, qui après La Vierge de Massenet en octobre dernier, nous fera découvrir une autre rareté avec Lancelot de Victorin Joncières (1839-1903). A ne pas manquer !

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