Nommé cotitulaire des grandes orgues de Notre‑Dame de Paris en 1985,
alors qu’il n’avait que 23 ans, Olivier Latry s’est imposé depuis comme
l’un des organistes les plus reconnus de sa génération, du fait de sa
grande probité, autant technique qu’artistique. Sa programmation
constante des compositeurs français (voir notamment l’intégrale des oeuvres d'Olivier Messiaen menée dans les années 2000), comme du répertoire contemporain (notamment en 2015 les Vêpres
d’Hersant), lui donne une aura bien au‑delà de notre pays, qui fait de
sa présence à Montpellier un événement salué par un public venu en
nombre, malgré la chaleur étouffante dans la vaste cathédrale
Saint‑Pierre.
A nul autre pareil avec ses dimensions massives et son portail
spectaculaire, l’aspect extérieur rappelle les origines médiévales de
l’édifice, véritable forteresse défensive pour parer aux attaques menées
lors des guerres de religion, au XVIe siècle. L’intérieur de la cathédrale comporte une décoration qui évoque davantage le XIXe siècle,
à l’exception du grand orgue, construit en 1778. Restauré voilà un peu
plus de dix ans, l’instrument imposant résonne majestueusement dans
toute la nef, bénéficiant du toucher cristallin d’Olivier Latry, très
agile tout du long.
Le programme, admirablement conçu par sa variété, étonne d’emblée par la Fantaisie et Fugue en ut mineur
(1716) de Bach au début fascinant d’introspection, qui fait peu à peu
émerger la lumière – le tout exécuté avec une grande lisibilité, bien
déliée. Le contraste n’en est que plus saisissant avec la fugue
étourdissante qui s’enchaîne, toujours en maîtrise, apportant une
certaine ivresse pour conclure la pièce. Retour à la délicatesse et à
l’épure avec l’Ave Maria (1862) de Liszt, d’après une mélodie de
Jacques Arcadelt, souvent murmurée par endroits. Un motif de cette
courte pièce, pourtant peu mélodique, a semble-t-il inspiré Saint‑Saëns
dans sa Troisième Symphonie (1886)... dédiée à la mémoire de Liszt. Place ensuite à l’un des grands compositeurs pour l’orgue du XIXe siècle en la personne d’Alexandre-Pierre-François Boëly (1785‑1858), dont la Fantaisie et Fugue en si bémol (1840) toute de robustesse et de virilité, convoque toutes les ressources virtuoses de l’instrument.
Les deux pièces de Franck qui suivent montre un compositeur à la
recherche de sonorités crépusculaires et enveloppantes, avant de céder
peu à peu aux élans rythmiques et aux motifs entêtants en scansion. Le
langage atonal plus déroutant de Messiaen, aux multiples méandres
sinueux, trouve en Latry un défenseur habité, de même que dans la courte
pièce, lunaire et épurée, de Jehan Alain (le frère de Marie‑Claire,
bien connue des amateurs d’orgue). On retrouve un ton plus spectaculaire
et tragique chez Marcel Dupré, avant qu’Olivier Latry n’improvise sur
le thème de la chanson « A la claire fontaine » pour conclure le
concert, en autant de variations surprenantes et inventives, suivies, en
bis, de « Légende » de Louis Vierne.
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
dimanche 24 juillet 2022
Récital d'Olivier Latry - Festival Radio France à Montpellier - 20/07/2022
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