Après la délicieuse Phryné de Saint‑Saëns, que l’on ne se lasse pas d’écouter et réécouter depuis sa récente parution, les équipes du Palazzetto Bru Zane frappent encore très fort avec la résurrection de la version musicale intégrale du Voyage dans la Lune (1875). On avait déjà pu découvrir cette production avec la plupart des chanteurs ici réunis, à Marseille
puis en de nombreuses autres villes de France, grâce au soutien décisif
de Génération Opéra (anciennement Centre français de promotion
lyrique). Cette première intégrale au disque, avec des dialogues
écourtés, est à saluer vivement, tant cet ouvrage emblématique de la
dernière période d’Offenbach mérite le détour.
A l’instar du Roi Carotte déjà redécouvert sur scène (voir notamment à Lyon en 2019),
mais qui n’a malheureusement pas fait l’objet d’un enregistrement
discographique, on retrouve la débauche de moyens propres à
l’opéra-féerie : pas moins de deux ballets séparés et quinze décors
différents à la création, sans parler de la présence d’un dromadaire,
furent déployés pour assurer le tout dernier grand succès de la carrière
d’Offenbach. La satire des scientifiques et des courtisans donne une
dimension savoureuse à l’ouvrage, de même que l’accumulation de
bizarreries lunaires : justice expéditive, ironique rejet des honneurs
et décorations, sans parler de l’ambivalence sur la condition féminine,
ramenée à ses travers infantilisants (la curiosité dans la scène de la
pomme), mais questionnée sur ses possibilités d’émancipation (scène du
marché aux femmes).
Pierre Dumoussaud est certainement le grand artisan de cette réussite
éclatante, tant sa baguette légère et aérienne se saisit des moindres
inflexions musicales, toujours au service de l’esprit vif et piquant qui
parcourt la partition. Les interprètes, tous de bon niveau, apportent
de grands satisfactions, au premier rang desquels les interprètes
masculins, engagés et percutants, notamment le désopilant V’lan de
Matthieu Lécroart. On aime aussi le Chœur de l’Opéra national
Montpellier Occitanie, très sollicité et bien préparé pour ce qui est de
la nécessaire prononciation, ce qui tranche avec l’interprétation de
Violette Polchi (Le prince Caprice) et Sheva Tehoval (Fantasia), plus en
retrait à cet égard, notamment dans les passages rapides. Les deux
jeunes chanteuses se rattrapent heureusement en se jouant avec aisance
de toutes les nombreuses difficultés vocales de la partition. Un disque
globalement très réussi, à chérir comme la plupart des projets édités
par le Palazzetto Bru Zane. Bravo !
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
lundi 4 juillet 2022
« Le Voyage dans la lune » de Jacques Offenbach - Pierre Dumoussaud - Disque Palazzetto Bru Zane
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