lundi 4 juillet 2022

« Le Voyage dans la lune » de Jacques Offenbach - Pierre Dumoussaud - Disque Palazzetto Bru Zane

Après la délicieuse Phryné de Saint‑Saëns, que l’on ne se lasse pas d’écouter et réécouter depuis sa récente parution, les équipes du Palazzetto Bru Zane frappent encore très fort avec la résurrection de la version musicale intégrale du Voyage dans la Lune (1875). On avait déjà pu découvrir cette production avec la plupart des chanteurs ici réunis, à Marseille puis en de nombreuses autres villes de France, grâce au soutien décisif de Génération Opéra (anciennement Centre français de promotion lyrique). Cette première intégrale au disque, avec des dialogues écourtés, est à saluer vivement, tant cet ouvrage emblématique de la dernière période d’Offenbach mérite le détour.

A l’instar du Roi Carotte déjà redécouvert sur scène (voir notamment à Lyon en 2019), mais qui n’a malheureusement pas fait l’objet d’un enregistrement discographique, on retrouve la débauche de moyens propres à l’opéra-féerie : pas moins de deux ballets séparés et quinze décors différents à la création, sans parler de la présence d’un dromadaire, furent déployés pour assurer le tout dernier grand succès de la carrière d’Offenbach. La satire des scientifiques et des courtisans donne une dimension savoureuse à l’ouvrage, de même que l’accumulation de bizarreries lunaires : justice expéditive, ironique rejet des honneurs et décorations, sans parler de l’ambivalence sur la condition féminine, ramenée à ses travers infantilisants (la curiosité dans la scène de la pomme), mais questionnée sur ses possibilités d’émancipation (scène du marché aux femmes).

Pierre Dumoussaud est certainement le grand artisan de cette réussite éclatante, tant sa baguette légère et aérienne se saisit des moindres inflexions musicales, toujours au service de l’esprit vif et piquant qui parcourt la partition. Les interprètes, tous de bon niveau, apportent de grands satisfactions, au premier rang desquels les interprètes masculins, engagés et percutants, notamment le désopilant V’lan de Matthieu Lécroart. On aime aussi le Chœur de l’Opéra national Montpellier Occitanie, très sollicité et bien préparé pour ce qui est de la nécessaire prononciation, ce qui tranche avec l’interprétation de Violette Polchi (Le prince Caprice) et Sheva Tehoval (Fantasia), plus en retrait à cet égard, notamment dans les passages rapides. Les deux jeunes chanteuses se rattrapent heureusement en se jouant avec aisance de toutes les nombreuses difficultés vocales de la partition. Un disque globalement très réussi, à chérir comme la plupart des projets édités par le Palazzetto Bru Zane. Bravo !

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