Fondée en 2006 par Daniel Isoir (né en 1963), La Petite Symphonie est
une formation symphonique sur instruments d’époque qui a la
particularité de réduire à un seul musicien chaque pupitre de cordes :
plusieurs disques, notamment ceux consacrés aux concertos et quatuors
avec pianoforte de Mozart ont déjà pu témoigner de la finesse d’exécution de cet ensemble dirigé par le fils d’André Isoir.
On retrouve l’ensemble à Barentin, dans la banlieue nord de Rouen,
toujours au service de la défense du répertoire de la fin du XVIIIe siècle, avec un programme très original dédié à Haydn, Beethoven et Kraus. C’est la stimulante ouverture de l’opéra L’Ile déserte
(1779) de Haydn qui ouvre le concert, en faisant ressortir le
pianoforte lors de l’introduction lente. Malgré la forte réverbération
de l’église Saint‑Martin, le bel élan général nous emporte en des tempi
endiablés, avant de passer au plat de résistance, le Deuxième Concerto pour piano de Beethoven (1794‑95, puis révisé en 1798 et 1801).
Si l’on excepte un concerto de jeunesse, inachevé en 1784 et non
numéroté, cet ouvrage est en réalité le tout premier composé par
Beethoven, avant le Premier Concerto (1798). L’Allegro
initial nous emporte dans la fougue encore mozartienne du jeune
compositeur, même si le premier violon de Marieke Bouche ressort trop
peu pour marquer la mélodie principale. C’est là sans doute la marque de
fabrique de cet ensemble qui ne veut donner la part belle à aucun des
interprètes, ce dont se souvient Daniel Isoir par son art agile et
félin, très dynamique, aux attaques sèches. L’Adagio, plus délicat, débute trop fort dans les tutti,
mais finit par trouver sa mesure avec le toucher délicat d’Isoir : le
soliste captive par sa maîtrise imperturbable, notamment dans la fin
épurée, un véritable régal.
Eglise St-Martin de Barentin |
Bien différent de sa version initiale de 1795 – écoutez le Rondo en si bémol majeur WoO 6 –, le Rondo final donne littéralement envie de swinguer sur sa chaise, sous les doigts déchaînés d’Isoir, toujours aussi rapide. L’Ouverture d’église de Kraus, composée autour de 1790, offre ensuite un contraste saisissant par son austérité initiale. Davantage exposé, le premier violon se fait plus lyrique, bien épaulé par le basson solide de François Charruyer. Cette œuvre assez courte, un rien déstructurée, fascine par son aura hypnotique, aux infimes variations répétées à l’envi.
Le retour de l’ensemble des forces orchestrales donne à découvrir la rare Soixante‑dix‑huitième Symphonie
(1782) de Haydn, qui fit partie du premier groupe de symphonies
composées pour l’étranger, et non plus pour le prince Esterházy. On
découvre une facette volontiers savante de Haydn, qui convoque toutes
les ressources de l’orchestre dans un premier mouvement virevoltant,
avec quelques échos aux orages du Sturm and Drang, tout en
variant les climats, plus lyriques par endroits. La Petite Symphonie se
saisit des nombreuses ruptures de ton avec un à‑propos admirable,
marquant les silences sans jamais s’appesantir. Très fluides, les
enchaînements donnent beaucoup de plaisir à l’ensemble.
L’Adagio poursuit sur la même hauteur d’inspiration, même si l’on note des tutti
un rien trop forts par endroit, à l’instar du concerto. L’élégant
Menuet laisse entrevoir l’humour toujours présent de Haydn, autour d’une
joute entre hautbois et premier violon, avant que ne résonne le début
plus sévère du Presto conclusif. La coloration bienvenue des
vents donne un peu plus de facétie à l’ensemble, de plus en plus
dansant. En bis, Isoir régale l’assistance du célèbre mouvement lent de
la Cent unième Symphonie « L’Horloge » (1794) du même Haydn, en un tempo vif admirablement soutenu par les mouvements de balancier au basson.
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