Pour sa dix‑septième édition, le festival Les Musicales de Normandie
confirme sa place éminente parmi les grandes manifestations de l’été,
proposant pas moins de trente‑quatre concerts à travers toute la
Haute‑Normandie, et ce pendant un mois. C’est là l’occasion de partir à
la découverte des joyaux du patrimoine de cette région, à l’instar des
sites exceptionnels de Varengeville‑sur‑Mer,
tout en bénéficiant de la programmation pointue d’Enrique Thérain
(délégué général des Siècles, ainsi que de l’Atelier lyrique de
Tourcoing).
On retrouve un habitué du festival en la personne de Vincent Dumestre,
accompagné de son ensemble Le Poème harmonique, toujours basé à Rouen.
C’est là un événement salué par un public venu en nombre dans la
commune nouvelle de Rives‑en‑Seine (issue de la fusion de
Caudebec‑en‑Caux avec ses voisines Saint‑Wandrille‑Rançon et Villequier
en 2016), profitant autant des bords de seine agréables, bordés de
restaurants, que de l’affiche musicale de renom dans l’Eglise toute
proche en centre‑ville. Seul rescapé des bombardements de la Seconde
Guerre mondiale, cet édifice terminé à la Renaissance domine la ville de
toute sa majesté, à juste titre loué par Henri IV comme une « des plus belles chapelles du royaume ».
Créé au Festival de musique baroque du Jura en 2020, le programme de
Vincent Dumestre s’attache à célébrer Venise au temps de Vivaldi, en
nous faisant découvrir plusieurs de ses contemporains oubliés, autant au
concert qu’au disque (à paraître en septembre chez Alpha). On y
retrouve l’élan chaleureux et les couleurs propres à cet ensemble fondé
en 1998, autour d’un chœur puissant et généreux. Le ton est toujours vif
et festif, avec des ritournelles aux répétitions appuyées, de même que
les silences bien marqués dans les deux premières pièces. Avec Serafino
Razzi (1531‑1613), Dumestre joue de la spatialité en faisant chanter ses
deux solistes féminines sur le côté, en un sens de l’épure d’une grâce
lumineuse.
Le contraste n’en est que plus marquant avec la superbe Symphonie funèbre
de Locatelli, d’inspiration préclassique, dont l’introduction lente
fait ressortir les graves en mettant les cordes aiguës en sourdine,
avant de nous embarquer en un élan chambriste très expressif, aux
attaques sèches. Dumestre fait ressortir de nombreux détails grâce à son
effectif réduit, avant de séduire à nouveau dans l’étonnant O dolcezza, interprété avec beaucoup de sensibilité et de cohésion par trois chanteurs a capella, épaulés de la soprano Caroline Arnaud pour les ornementations aériennes, au niveau du buffet de l’orgue.
On est plus déçu en revanche par le chant un rien monolithique de
Victoire Bunel (qui remplace Eva Zaïcik, choisie pour les précédents
concerts et au disque), en difficulté dans les redoutables accélérations
suraiguës au début du Nisi Dominus de Vivaldi. La jeune mezzo fait toutefois valoir une sureté d’émission dans les autres parties, notamment dans l’envoutant Cum dederit,
parfaitement maîtrisé. En bis, tous les chanteurs du Poème Harmonique
entonnent une tarentelle en une procession festive jusqu’à l’extérieur
de l’église, où ils se congratulent chaleureusement à l’issue du
concert.
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