Comment le plus français des compositeurs suisses, Arthur Honegger
(1892‑1955), a‑t‑il pu à ce point disparaître des programmes de la
plupart de nos orchestres parisiens ? Ce membre le plus éminent du
« Groupe des Six » avec Francis Poulenc a beau être né au Havre, avoir
fait ses études et passé la plus grande partie de sa vie en France,
force est de constater son éclipse durable, aux côtés d’autres figures
tout aussi emblématiques de son temps, comme Roussel et Martinů. Alors
on ne boude pas son plaisir de retrouver l’ouvrage qui l’a fait
connaître internationalement du jour au lendemain, que le Chœur de Radio
France n’avait plus chanté depuis 2009 lors d’un concert à la Salle
Pleyel.
A l’instar de ces deux occasions, le chef de chœur fait office de chef
d’orchestre, tout en choisissant la version originelle pour dix‑sept
instruments, comme c’est souvent le cas désormais au disque. On regrette toutefois qu’il n’ait pas été fait appel à
des membres du Philharmonique de Radio France, comme cela avait été le
cas en 2008 et 2009, pour préférer des membres de l’ensemble privé Les
Apaches !. En dehors de cette réserve d’ordre budgétaire, force est de
constater que les dix‑sept musiciens réunis relèvent haut la main le
défi de la musique kaléidoscopique d’Honegger, qui alterne de courts
bijoux ciselés, sans temps morts.
On regrette toutefois le parti pris d’une direction trop analytique et
prudente de la part de Lionel Sow, qui manque d’allant et d’entrain dans
les parties mesurées, aux tempi étirés. Le souffle attendu est
davantage présent dans les parties verticales, surtout en seconde partie
de soirée. Sow tombe aussi dans le piège de musiciens souvent couverts
par les cent choristes réunis, ce qui apporte un déséquilibre audible
dans plusieurs passages. Fort heureusement, le Chœur de Radio France
s’acquitte de sa tâche avec un engagement bienvenu, tout de lisibilité
et de transparence, en lien avec les intentions du chef.
Un autre motif de satisfaction vient des solistes réunis, qui sont
passés par l’Académie de l’Opéra national de Paris : ce point commun est
immédiatement audible par leur attention à la prononciation et au
texte, un atout décisif dans ce répertoire. Le ténor chinois Yu Shao se
distingue par son sens de la clarté, même si on aurait aimé une émission
moins étroite, au service d’une interprétation plus solaire. Rien de
tel pour les merveilleuses Marianne Croux et Cornelia Oncioiu, qui
rivalisent de précision et d’intensité, faisant valoir des timbres
superbes. C’est précisément en ce domaine que Lambert Wilson déçoit en
récitant, faisant entendre une certaine fatigue vocale, à l’émission
grasseyante, par ailleurs trop extérieure dans les intentions
dramatiques. On lui préfère de loin la prestation investie d’Amira Casar
dans le court rôle de la Pythonisse, malgré un abus audible du confort
du micro.
La soirée avait aussi pour intérêt de découvrir en création mondiale la partition de Sanctuaires
d’Othman Louati (né en 1988) : disséminé en plusieurs parties de
l’ouvrage d’Honegger, le travail du percussionniste et compositeur
français joue d’un continuum sonore au parfum envoûtant, héritier de
l’école spectrale, qui s’insère bien dans l’œuvre. Cette proposition
délicate fait entendre des bruitages en écho souvent morcelés, aux
silences habités, tandis que les effets de chuchotements qui parcourent
le chœur apportent un côté plus insaisissable et étonnamment sensuel.
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
samedi 27 septembre 2025
Concert du Choeur de Radio France et de l'ensemble Les Apaches - Lionel Sow - Maison de la Radio - 25/09/2025
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