dimanche 21 décembre 2025

« La Chauve-Souris » de Johann Strauss II - Olivier Lepelletier-Leeds - Opéra royal de Wallonie à Liège - 19/12/2025

Les mélodies et les danses lumineuses de La Chauve-Souris de Johann Strauss font leur retour à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège dans une nouvelle production très attendue : la transposition dans l’univers délicieusement superficiel du Los Angeles des années 1980 fait mouche, en un feu d’artifice d’énergie burlesque et sans prétention, idéal pour débuter les fêtes de fin d’années.

Absent de l’Opéra de Liège depuis plus de quinze ans, le chef d’oeuvre lyrique de Johann Strauss II (1825-1899) revient dans une version interprétée intégralement en allemand, tant pour le chant que pour les dialogues. Ces derniers ont été revus par le metteur en scène français Olivier Lepelletier-Leeds (né en 1970), qui les a raccourcis et modernisés, tout en réintroduisant certains éléments de la pièce originale, due au couple à succès Meilhac / Halevy. A l’instar de son contemporain Offenbach, les livrets de Strauss sont souvent réadaptés au goût du jour, comme on avait pu le découvrir dans une excellente production récente, à Rennes.

A Liège, Olivier Lepelletier-Leeds s’inspire de son enfance pour multiplier les clins d’oeil aux années 1980, entre décor monumental proche de la série télévisée Palace, costumes et coiffures extravagants tirés de séries américaines emblématiques (Dallas et Dynastie en tête) ou extraits de tubes de la musique pop, souvent issus de stars à la sexualité ambiguë (Georges Michael ou Freddy Mercury). L’ambiance glamour et kitsch, caractéristique de cette époque d’insouciance joyeuse, irrigue tout le premier acte, notamment lors de courtes chorégraphies volontairement caricaturales offertes aux danseurs, entre rondes de paniers de fleurs ou de plats gargantuesques. Après l’entracte, la reconstitution de cette période perd en précision ce qu’elle gagne en fantaisie débridée, en nous embarquant dans un bal masqué aux allures plus intemporelles.

La bonne humeur doit beaucoup au brio toujours étourdissant des danseurs, très sollicités, tandis que le goût pour les frou-frou, paillettes et boule à facettes rappelle qu’Olivier Lepelletier-Leeds n’est pas régisseur du Moulin Rouge pour rien. Au-delà de l’effervescence visuelle, ce travail sait aussi donner davantage de consistance aux personnages secondaires, plus libres d’afficher leurs préférences sexuelles ou de bousculer les codes de genre, grâce aux artifices du travestissement. Même s’ils manquent parfois de finesse, de nombreux gags parcourent aussi tout l’ouvrage, sans temps mort, avec l’appui lunaire du drag queen américain Jordan Weatherston Pitts, alias « Créatine Price ». L’ancien finaliste de l’émission télévisée « La France a un incroyable talent » n’en fait jamais trop dans son double rôle comique, tout en montrant une solide technique vocale, acquise lors de sa carrière auprès de grandes institutions, tel que le New York City Opera.

A ses côtés, Anne-Catherine Gillet (Rosalinde) ravit une nouvelle fois par ses phrasés d’une suprême élégance, au service d’une caractérisation toujours juste. On ne peut malheureusement pas en dire autant du sonore Markus Werba (Gabriel), qui surjoue son rôle de mari affriolé par la chair fraîche, à l’instar de Filip Filipović (Alfred), lui aussi trop débraillé pour convaincre, surtout au I. L’énergie du II voit ces quelques réserves nous entraîner dans l’ivresse sonore attendue, du fait de l’interprétation toute de classe de Christina Bock (Prinz Orlofsky), parfaite en maître de cérémonie. On aime aussi la prestation aussi agile qu’aérienne d’Enkeleda Kamani (Adele), qui fait valoir un très beau timbre. Enfin, Samuel Namotte (Frank) complète cette distribution avec bonheur, à l’instar du Chœur de l’Opéra royal de Wallonie, bien préparé pour l’occasion.

Même s’il a parfois tendance à couvrir le plateau, le chef allemand Nikolas Nägele (né en 1987) s’empare quant à lui de la musique de Strauss avec une vigueur communicative, à même de faire vivre ses vifs tempi d’une vitalité sans nuages.

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