vendredi 30 mai 2014

« Née sous Giscard » de Camille Chamoux - Théâtre du Petit-St-Martin - 28/05/2014

C’était mieux avant ? Dans son deuxième spectacle, la comédienne et humoriste Camille Chamoux se lance à corps perdu dans une réflexion qui perd en humour ce qu’elle gagne en profondeur. Avec un talent de conteuse hors pair et une énergie dévastatrice qui restent intacts.

Une longue file d’attente au dehors en guise d’accueil au Théâtre du Petit-Saint-Martin. Il faut dire que l’exiguïté des lieux ne permet pas d’accueillir le public à l’intérieur, et l’on doit se faufiler à travers un couloir étroit pour parvenir jusqu’à la petite salle de 200 places en contrebas. Mais une fois arrivé dans les sous-sols du Théâtre de la Porte-Saint-Martin, superbe salle à l’italienne de plus de 1 000 places située juste au-dessus, une scène sans coulisses se dévoile, plus vaste qu’attendu. Le regard embrasse très vite ce lieu étonnamment chaleureux avec son mur de brique et ses éclairages apparents, une partie de la sono au sol. Du peu de décors, on distingue une table en Formica, quelques disques en vinyle négligemment jetés à terre, tandis que la Bohème d’Aznavour résonne à nos oreilles encore distraites.
Sur scène, Camille Chamoux est déjà là, particulièrement active pour accueillir le public, se moquant gentiment de ces hésitations de placement, de son retard aussi. On reconnaît immédiatement le style de celle qui nous avait déjà conquis en 2006 avec son premier one-woman-show Camille attaque. Voix fluette et haut perchée, légèrement nasale, elle inspire la sympathie avec son côté « bonne copine », sa sympathie naturelle, son ton angélique. Mais elle sait aussi se faire mordante lorsqu’elle inspecte la salle au début du spectacle pour constater, à juste titre, que peu de jeunes sont présents. Jean-Claude, soixante-huitard désigné, sera l’un des fils rouges régulièrement sollicité pour incarner la génération des parents de Camille.
La nostalgie d’une époque non vécue
Née sous Giscard, Camille Chamoux s’interroge : « Comment devenir artiste quand on a des bases molles ? », celles du centrisme incarnées par l’ancien président de la république (1974-1981) ? Au-delà du bon mot un peu facile, la jeune femme de 36 ans questionne les conflits de génération et la nostalgie d’une époque non vécue. Celle que ces parents lui ont tant vantée comme un « âge d’or », ce fameux « c’était mieux avant ». Mais n’est-ce pas plutôt un miroir aux alouettes ? Voilà l’occasion parfaite de moquer ces bobos furieusement amateurs de brocantes le week-end venu, cherchant ainsi à reconstituer le mobilier de leur grand-mère défunte, alors même que les visites dominicales d’enfance étaient souvent synonymes d’ennui !
Le propos volontairement plus sérieux force l’admiration, mais impose aussi de petites baisses de rythme en milieu de spectacle, les imitations savoureuses du précédent étant ici plus discrètes. Seule « Hortense, neuf ans » parvient à nous arracher quelques larmes de rire. Si l’on peut regretter une mise en scène par trop discrète, Camille Chamoux sait nous embarquer dans ces histoires qui s’enchaînent habilement, avec un talent de conteuse admirable. Elle convoque aussi la chansonnette, avec sa voix cassée si séduisante, et conclut le spectacle finement, rappelant combien le fantasme de l’âge d’or permet souvent de trouver un alibi bien commode pour excuser ses propres manquements, sa procrastination ou ses renoncements.
Au cinéma dans les Gazelles en début d’année en tant qu’actrice et scénariste, la jeune femme a déjà prouvé sa capacité à se lancer des défis nouveaux. Gageons que le succès mérité de son spectacle saura l’encourager à continuer dans cette voie ! 

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