C’était mieux avant ? Dans son deuxième spectacle, la comédienne et humoriste Camille Chamoux
 se lance à corps perdu
      dans une réflexion qui perd en humour ce qu’elle gagne en 
profondeur. Avec un talent de conteuse hors pair et une énergie 
dévastatrice qui restent intacts.
    
Une longue file d’attente au dehors en guise d’accueil au 
Théâtre du Petit-Saint-Martin. Il
      faut dire que l’exiguïté des lieux ne permet pas d’accueillir le 
public à l’intérieur, et l’on doit se faufiler à travers un couloir 
étroit pour parvenir jusqu’à la petite salle
      de 200 places en contrebas. Mais une fois arrivé dans les 
sous-sols du Théâtre de la Porte-Saint-Martin, superbe salle à 
l’italienne de plus de 1 000 places
      située juste au-dessus, une scène sans coulisses se dévoile, plus 
vaste qu’attendu. Le regard embrasse très vite ce lieu étonnamment 
chaleureux avec son mur de brique et ses éclairages
      apparents, une partie de la sono au sol. Du peu de décors, on 
distingue une table en Formica, quelques disques en vinyle négligemment 
jetés à terre, tandis que la Bohème
      d’Aznavour résonne à nos oreilles encore distraites.
    
      Sur scène, Camille Chamoux est déjà là, particulièrement active 
pour accueillir le public, se moquant gentiment de ces hésitations de 
placement, de son retard aussi. On reconnaît
      immédiatement le style de celle qui nous avait déjà conquis 
en 2006 avec son premier one-woman-show Camille attaque. Voix 
fluette et haut perchée, légèrement nasale, elle
      inspire la sympathie avec son côté « bonne copine », sa sympathie 
naturelle, son ton angélique. Mais elle sait aussi se faire mordante 
lorsqu’elle inspecte la salle au début du
      spectacle pour constater, à juste titre, que peu de jeunes sont 
présents. Jean-Claude, soixante-huitard désigné, sera l’un des fils 
rouges régulièrement sollicité pour incarner la génération
      des parents de Camille.
    
La nostalgie d’une époque non vécue
    
      Née sous Giscard, Camille Chamoux s’interroge : « Comment devenir 
artiste quand on a des bases molles ? », celles du centrisme incarnées 
par l’ancien président de
      la république (1974-1981) ? Au-delà du bon mot un peu facile, la 
jeune femme de 36 ans questionne les conflits de génération et la 
nostalgie d’une époque non vécue. Celle
      que ces parents lui ont tant vantée comme un « âge d’or », ce 
fameux « c’était mieux avant ». Mais n’est-ce pas plutôt un miroir aux 
alouettes ? Voilà l’occasion
      parfaite de moquer ces bobos furieusement amateurs de brocantes le
 week-end venu, cherchant ainsi à reconstituer le mobilier de leur 
grand-mère défunte, alors même que les visites dominicales
      d’enfance étaient souvent synonymes d’ennui !
    
      Le propos volontairement plus sérieux force l’admiration, mais 
impose aussi de petites baisses de rythme en milieu de spectacle, les 
imitations savoureuses du précédent étant ici plus
      discrètes. Seule « Hortense, neuf ans » parvient à nous arracher 
quelques larmes de rire. Si l’on peut regretter une mise en scène par 
trop discrète, Camille Chamoux sait
      nous embarquer dans ces histoires qui s’enchaînent habilement, 
avec un talent de conteuse admirable. Elle convoque aussi la 
chansonnette, avec sa voix cassée si séduisante, et conclut le
      spectacle finement, rappelant combien le fantasme de l’âge d’or 
permet souvent de trouver un alibi bien commode pour excuser ses propres
 manquements, sa procrastination ou ses renoncements.
    
      Au cinéma dans les Gazelles en début d’année en tant 
qu’actrice et scénariste, la jeune femme a déjà prouvé sa capacité à se 
lancer des défis nouveaux. Gageons que le succès
      mérité de son spectacle saura l’encourager à continuer dans cette 
voie ! 
    

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