mercredi 28 mai 2014

Concerts de l'ensemble Sequenza 9.3 et du choeur Accentus - Festival de l'Epau au Mans - 23 et 24/05/2014

Chaque année depuis 1982, l’abbaye de l’Épau accueille un festival de musique classique au rayonnement national. La musique vocale y est reine, flattée par la merveilleuse acoustique des lieux.


Ce qui frappe d’emblée lorsqu’on rejoint l’abbaye de l’Épau, c’est sa proximité avec le centre-ville du Mans. Un saut de puce d’à peine dix minutes en voiture, guère plus en transport en commun, et ce havre de paix et de verdure se dévoile dans toute sa splendeur. Un atout non négligeable par rapport à une autre abbaye cistercienne bien connue, celle de Royaumont, située dans le Val-d’Oise et assez éloignée de Paris. On trouve aussi des points communs entre les deux institutions, comme la saison musicale organisée toute l’année pour animer les lieux. Si l’eau est l’élément marquant à Royaumont, avec ses majestueux canaux ombragés de platanes centenaires, l’Épau marque le regard par l’éclat des teintes beiges et jaunes des murs anciens, reflet d’une parfaite rénovation du site.

Au soleil couchant, l’effet splendide ainsi obtenu accueille les visiteurs, tandis que des sculptures modernes animent le jardin, offrant ainsi de nouvelles perspectives pour le regard averti. De même, une exposition photographique en plein air, visible jusqu’au 2 novembre 2014, permet de renouveler sa perception du lieu. Institution locale connue et reconnue depuis sa création en 1982, le Festival de l’Épau propose une programmation variée, réservant l’abbatiale pour la musique vocale et sacrée tandis que le dortoir des moines accueille les récitals et la musique de chambre. Deux salles de concert aux acoustiques bien différentes qui conviennent bien à la multiplicité des genres, intimiste pour le dortoir des moines, plus spectaculaire pour l’abbatiale et ses réverbérations fascinantes.

Une création mondiale de Patrick Burgan

C’est précisément dans la majesté de la grande salle qu’ont eu lieu les deux concerts auxquels nous avons pu assister. Concerts accompagnés d’un seul instrument, le violoncelle d’Henri Demarquette pour les douze chanteurs de l’ensemble vocal Sequenza 9.3, et l’orgue de Christophe Henry pour les trente chanteurs du chœur Accentus. Fondé en 1998, Sequenza 9.3 promeut le répertoire du xxe siècle tout comme les créations contemporaines. Pas étonnant dès lors de retrouver au programme la création mondiale de l’Archipel des saisons, œuvre du compositeur français Patrick Burgan. En forme de kaléidoscope de pièces brèves, l’œuvre s’inspire de différents haïkus, ces petits poèmes japonais qui évoquent l’indicible et l’évanescence des choses. Burgan s’en empare subtilement, se délectant des onomatopées et allitérations si caractéristiques, produisant tour à tour effets de chuchotement, de bruitage ou de foule. Certains passages évoquent aussi le Requiem de György Ligeti, utilisé dans la célèbre scène d’ouverture du film 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick.

Autour de cette création, la programmation élaborée par Catherine Simonpietri allie habilement des extraits d’œuvres méconnues de temps plus anciens, telle la Missa Mille Regretz de Cristóbal de Morales, avec des « tubes » du répertoire vocal. On pense bien sûr au fameux Miserere d’Allegri ou à la déjà classique Symphonie nº 3 de Górecki. Un programme varié qui bénéficie du violoncelle généreux et opulent d’Henri Demarquette, mis en valeur par la merveilleuse acoustique de l’abbatiale. Un seul instrument qui semble résonner comme deux ou trois, tandis que les chanteurs eux-mêmes ont maintes occasions de faire valoir leurs qualités individuelles. Sequenza 9.3, un formidable ensemble vocal que l’on souhaite retrouver très vite au concert.

Une œuvre rarissime de Dvořák

La deuxième soirée se révèle un rien plus décevante même si elle se situe également à un haut niveau. Venant tout juste de fêter ses vingt ans d’existence, le chœur Accentus nous convie à découvrir des pièces brèves de Brahms ainsi que la rarissime Messe en ré majeur de Dvořák. Une œuvre qui n’a malheureusement pas l’éclat du Requiem ou du Stabat mater (1), plus connus. Il faut dire que la direction cursive de Laurence Équilbey n’aide pas à varier les climats et instiller un peu d’émotion. Mais l’indiscutable cohésion d’ensemble, la précision des attaques et la qualité des pupitres permettent de comprendre aisément la réputation grandissante de cette formation.

Un concert un peu court, heureusement poursuivi par la grande innovation de cette 32e édition du festival, à savoir l’instauration d’une deuxième partie de soirée dans le « Magic Mirrors » voisin. Installé dans les jardins de l’abbaye, ce chapiteau de bois intimiste offre à des programmations musicales éclectiques un écrin accueillant. Henri Demarquette s’en empare généreusement autour d’un jazz-tango endiablé, tandis que Laurence Équilbey révèle un intérêt insoupçonné pour les musiques électroniques. Une idée originale (2) qui permet des confrontations imprévues entre ces différents univers musicaux, nous invitant à prolonger le plaisir de l’écoute autour d’un verre. Ambiance chaleureuse et festive garantie ! 


(1) Que l’on pourra entendre bientôt en la basilique de Saint-Denis, le vendredi 13 juin 2014, avec Jacub Hruša à la direction.
(2) Que l’on doit à la direction artistique confiée cette année à l’agence de communication et de production Sequenza.

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