Chaque année depuis
1982, l’abbaye de l’Épau accueille un festival de musique classique au
rayonnement national. La musique vocale y est
reine, flattée par la merveilleuse acoustique des lieux.
Ce qui frappe d’emblée lorsqu’on rejoint l’abbaye de l’Épau, c’est
sa proximité avec le centre-ville du Mans. Un saut de puce d’à peine
dix minutes en voiture, guère plus en
transport en commun, et ce havre de paix et de verdure se dévoile
dans toute sa splendeur. Un atout non négligeable par rapport à une
autre abbaye cistercienne bien connue, celle
de Royaumont,
située dans le Val-d’Oise et
assez éloignée de Paris. On trouve aussi des points communs entre
les deux institutions, comme la saison musicale organisée toute l’année
pour animer les lieux. Si l’eau est l’élément
marquant à Royaumont, avec ses majestueux canaux ombragés de
platanes centenaires, l’Épau marque le regard par l’éclat des teintes
beiges et jaunes des murs anciens, reflet d’une parfaite
rénovation du site.
Au soleil couchant, l’effet splendide ainsi obtenu accueille les
visiteurs, tandis que des sculptures modernes animent le jardin, offrant
ainsi de nouvelles perspectives pour le regard averti.
De même, une exposition photographique en plein air, visible
jusqu’au 2 novembre 2014, permet de renouveler sa perception du lieu.
Institution locale connue et reconnue depuis sa
création en 1982, le Festival de l’Épau propose une programmation
variée, réservant l’abbatiale pour la musique vocale et sacrée tandis
que le dortoir des moines accueille les
récitals et la musique de chambre. Deux salles de concert aux
acoustiques bien différentes qui conviennent bien à la multiplicité des
genres, intimiste pour le dortoir des moines, plus
spectaculaire pour l’abbatiale et ses réverbérations fascinantes.
Une création mondiale de Patrick Burgan
C’est précisément dans la majesté de la grande salle qu’ont eu
lieu les deux concerts auxquels nous avons pu assister. Concerts
accompagnés d’un seul instrument, le violoncelle
d’Henri Demarquette pour les douze chanteurs de l’ensemble vocal
Sequenza 9.3, et l’orgue de Christophe Henry pour les trente chanteurs
du chœur Accentus.
Fondé en 1998, Sequenza 9.3 promeut le répertoire du xxe siècle
tout comme les créations contemporaines. Pas étonnant dès lors de
retrouver au programme la création mondiale de
l’Archipel des saisons, œuvre du compositeur français
Patrick Burgan. En forme de kaléidoscope de pièces brèves, l’œuvre
s’inspire de différents haïkus, ces petits poèmes
japonais qui évoquent l’indicible et l’évanescence des choses.
Burgan s’en empare subtilement, se délectant des onomatopées et
allitérations si caractéristiques, produisant tour à tour effets
de chuchotement, de bruitage ou de foule. Certains passages
évoquent aussi le Requiem de György Ligeti, utilisé dans la célèbre scène d’ouverture du film 2001, l’Odyssée
de l’espace de Stanley Kubrick.
Autour de cette création, la programmation élaborée par
Catherine Simonpietri allie habilement des extraits d’œuvres méconnues
de temps plus anciens, telle la Missa
Mille Regretz de Cristóbal de Morales, avec des « tubes » du répertoire vocal. On pense bien sûr au fameux Miserere d’Allegri ou à la déjà classique
Symphonie nº 3 de Górecki. Un programme varié qui
bénéficie du violoncelle généreux et opulent d’Henri Demarquette, mis en
valeur par la merveilleuse acoustique de
l’abbatiale. Un seul instrument qui semble résonner comme deux ou
trois, tandis que les chanteurs eux-mêmes ont maintes occasions de faire
valoir leurs qualités individuelles.
Sequenza 9.3, un formidable ensemble vocal que l’on souhaite
retrouver très vite au concert.
Une œuvre rarissime de Dvořák
La deuxième soirée se révèle un rien plus décevante même si elle
se situe également à un haut niveau. Venant tout juste de fêter ses vingt ans d’existence,
le chœur Accentus nous convie à découvrir des pièces brèves de Brahms ainsi que la rarissime Messe en ré majeur de Dvořák. Une œuvre qui n’a malheureusement
pas l’éclat du Requiem ou du Stabat mater (1), plus connus. Il faut dire que la direction cursive de Laurence Équilbey n’aide pas à
varier les climats et instiller un peu d’émotion. Mais
l’indiscutable cohésion d’ensemble, la précision des attaques et la
qualité des pupitres permettent de comprendre aisément la réputation
grandissante de cette formation.
Un concert un peu court, heureusement poursuivi par la grande
innovation de cette 32e édition du festival, à savoir l’instauration
d’une deuxième partie de soirée dans le
« Magic Mirrors » voisin. Installé dans les jardins de l’abbaye,
ce chapiteau de bois intimiste offre à des programmations musicales
éclectiques un écrin accueillant.
Henri Demarquette s’en empare généreusement autour d’un jazz-tango
endiablé, tandis que Laurence Équilbey révèle un intérêt insoupçonné
pour les musiques électroniques. Une idée
originale (2) qui permet des confrontations imprévues entre ces
différents univers musicaux, nous invitant à prolonger le plaisir de
l’écoute autour d’un verre. Ambiance chaleureuse et
festive garantie !
(1) Que l’on pourra entendre bientôt en la basilique de Saint-Denis, le vendredi 13 juin 2014, avec Jacub Hruša à la direction.
(2) Que l’on doit à la direction artistique confiée cette année à l’agence de communication et de production Sequenza.
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