vendredi 16 mai 2014

« Les Israélites dans le désert » de C.P.E. Bach - Cité de la musique à Paris - 14/05/2014

Jordi Savall, habituel invité de la Cité de la musique, revient pour nous faire partager sa curiosité pour les répertoires oubliés. Ici, l’un des fils Bach dans un oratorio un peu sage mais de bonne facture.


 Après le cycle consacré au jeune Mozart dont nous nous étions fait l’écho (Mitridate, re di Ponto) en février dernier, la Cité de la musique présente en ce moment un cycle consacré au désert : « Déserts de l’Exode, de Judée, des expérimentations atomiques, exotiques ou mystiques. Il ne manque pas d’étendues de sable pour enflammer l’imagination sonore » entonne l’institution parisienne sur son site. Autour de compositeurs aussi différents que Steve Reich, Saint-Saëns ou Gesualdo, la Cité de la musique met à l’honneur Carl Philipp Emanuel Bach, n’oubliant pas ainsi de fêter le tricentenaire de l’anniversaire de sa naissance.

Pourtant très connu de son vivant, Emanuel Bach reste aujourd’hui dans l’ombre de son père Jean-Sébastien, et ce alors même que sa musique n’a eu de cesse d’éveiller l’admiration d’un compositeur aussi éminent que Joseph Haydn. Un respect également partagé par Mozart et Beethoven, après lui. C’est peu dire aussi que sa méthode pour clavier a inspiré des générations de pianistes, avant que des virtuoses tels que Muzio Clementi ou Johann Jacob Cramer ne s’en inspirent pour leurs propres ouvrages. Redécouvert il y a quelques années avec ses pétillantes symphonies, Emanuel Bach s’est également consacré à de nombreuses œuvres religieuses, dont vingt et une passions (pour la plupart perdues lors des bombardements berlinois en 1944) ainsi que des centaines d’oratorios et cantates.

Un oratorio célèbre en son temps

L’un de ses oratorios les plus connus, les Israélites dans le désert, a été composé en 1769 à l’occasion de son accession au prestigieux poste de directeur des cinq églises principales de Hambourg, succédant ainsi à son parrain Georg Philipp Telemann. L’immense succès remporté par cette œuvre permet une diffusion rapide par la célèbre maison d’édition Breitkopf & Härtel. Aujourd’hui oublié, cet oratorio reprend vie par la grâce d’un amoureux des partitions rares, le chef d’orchestre catalan Jordi Savall. À la tête de son ensemble sur instruments d’époque, le Concert des nations, il dirige avec la sensibilité et l’attention aux équilibres qu’on lui connaît bien. Il arrive de ce fait à palier en partie les insuffisances individuelles de ses musiciens, particulièrement un inégal pupitre de cordes et des cuivres en difficulté quasi permanente.

Un petit bémol heureusement compensé par l’excellent chœur de la Capella reial de Catalunya, à l’élan généreux et investi, particulièrement impressionnant dans le chœur repris fort opportunément en bis à l’issue du concert. Emanuel Bach y fait preuve d’une inventivité revigorante, multipliant de surprenantes alternances entre fortissimo et pianissimo. C’est malheureusement l’un des seuls moments véritablement innovants pour cette œuvre finalement assez sage, trop courte, et dont la construction apparaît également peu heureuse au plan dramatique avec une première partie uniformément sombre qui répond à une seconde lumineuse. Le livret choisit en effet de nous raconter les plaintes des israélites face à un Dieu qui ne les aide pas lors de leur fuite d’Égypte, face à un désert hostile. En deuxième partie, l’eau jaillit et révèle à ceux qui ont douté toute l’étendue de leur impatience coupable, ainsi que le peu de cas accordé à la piété fervente de Moïse.

Un plateau vocal homogène

Dans ce rôle sévère, qui fait parfois penser à un récitant, Stephan MacLeod s’impose par son sens de la déclamation et son timbre de voix généreux et opulent. Il se retrouve parfois en difficulté, tout comme les deux interprètes féminines. Maria Cristina Kiehr compense ses difficultés de tessiture dans l’aigu par un beau timbre rond, chaud et agréable. On espère la retrouver dans un rôle mieux adapté à sa voix. Moins en difficulté, Hanna Bayodi‑Hirt (Deuxième Israélite) montre une belle vaillance, tout comme Nicholas Mulroy. Dans le court rôle d’Aaron, ce dernier fait preuve d’une belle aisance vocale, seulement diminuée par une certaine faiblesse de projection. 

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