jeudi 4 mai 2017

70e anniversaire de John Adams - Auditorium de Lyon - 29/04/2017

John Adams

Construit pendant la même période que l’érection du quartier de La Part-Dieu, l’auditorium Maurice-Ravel de Lyon conserve l’allure futuriste qui fit grand bruit à son inauguration en 1975, le rapprochant par ses lignes minimalistes et son revêtement en béton brut, de l’architecture brutaliste alors en vogue. Si l’imposante salle de 2100 places a ensuite été rénovée jusqu’en 2002, c’est surtout pour en améliorer l’acoustique trop réverbérante du fait de sa forme en coquille Saint-Jacques. A l’instar des salles équivalentes construites à la même époque – l’auditorium de Radio France par exemple – cette forme audacieuse n’a malheureusement jamais fait ses preuves.

Entonnées par le quatuor formé par des membres de l’Orchestre national de Lyon, les premières notes du Livre de prétendues danses de John de John Adams parviennent à défier l’immensité de la salle réduite pour l’occasion à l’orchestre et au premier balcon – le second balcon ayant été occulté par un rideau. En étant placé à l’orchestre, les couleurs des instruments s’épanouissent admirablement, même si les interprètes laissent entrevoir certains problèmes de justesse, au niveau des accélérations pour le premier violon ou dans l’aigu pour le violoncelle. En fin de compte, cette version expurgée des passages avec bande son enregistrée déçoit quelque peu par ces difficultés techniques mal maîtrisées, alors que cette œuvre exigeante reste surprenante tant Adams s’y montre éloigné du minimalisme.


Aucun problème technique en revanche pour les trois musiciens qui succèdent au quatuor afin d’interpréter les Contrastes, une œuvre de Béla Bartók qui alterne des passages tour à tour lyriques et narquois en contraste avec des tutti plus verticaux. Si la partition réserve au piano des interventions discrètes, on admirera les parties dédiées au son ample et généreux du clarinettiste Nans Moreau, bien épaulé par son partenaire au violon, à qui on pourra juste reprocher une absence de prise de risques.

Nicolas Chalvin
Le concert se poursuit avec l’arrivée de l’ensemble des pupitres de cordes de l’Orchestre des pays de Savoie, tous réunis pour mettre en valeur la musique de John Adams dont l’auditorium fête les 70 ans autour de plusieurs concerts en présence du compositeur. Observer les réactions de l’Américain assis parmi le public pendant les modulations irradiantes et frémissantes de Shaker Loops est un plaisir en soi, d’autant que le travail de Nicolas Chalvin à la tête de l’orchestre se montre globalement satisfaisant. Si les cordes montrent quelques faiblesses dans les accélérations, toute l’imbrication irrésistible des timbres se déploie ici en un tempo mesuré évacuant tout dramatisme, au service d’une expression tout en dentelle, faisant bien ressortir l’art subtil des transitions chez Adams.

Leonard Slatkin

Si plusieurs rangs ont pu paraître clairsemés un peu plus tôt dans l’après-midi, la salle de l’Auditorium affiche complet pour le concert de 18 heures et son programme beaucoup plus accessible, dédié, en grande partie, à John Adams. Pour autant, on ressent d’emblée une certaine déception face au geste, certes d’une probité et d’une mise en place exemplaires de Leonard Slatkin à la tête de l’Orchestre national de Lyon, mais peu intéressé à faire ressortir le moindre point saillant de The Chairman Dances, l’une des œuvres les plus populaires d’Adams. Tous les pupitres semblent être mis sur le même plan au service d’une lecture linéaire et sans surprise, sans qu’aucune mélodie particulière ne ressorte, sans parvenir aussi à faire poindre ce sentiment d’excitation imprimé par les scansions répétitives aux cordes.


Plus tard dans la soirée, le retour à Adams montre davantage les muscles avec l’emphatique et postmahlérien Harmonielehre, dont Simon Rattle a su exploiter toutes les ressources mélodiques et rythmiques dans un très beau disque (EMI, 1994). Slatkin déçoit encore ici avec une entame très appuyée dans les graves, minorant les scansions du premier mouvement en un maelstrom sonore davantage tourné vers le Stravinski du Sacre du printemps que Mahler, Holst ou... John Williams. On perd en poésie ce qu’on gagne en force brute, et ce d’autant plus que l’acoustique peu précise de l’Auditorium n’aide pas à faire ressortir les contrechants. Au II, Slatkin retrouve une certaine objectivité, au bénéfice d’un geste sombre privilégiant les graves, mais peu éthéré et aérien. Cette distance se fait plus encore sentir au début du III, trop statique et distant, en une volonté de fondu peu propice aux nuances. Seuls les tout derniers passages se montrent plus réussis par leur spectaculaire scansion maîtrisée, avant que ne retentissent les applaudissements d’un public visiblement conquis par cet ouvrage composé en 1985.

Hillary Hahn
La satisfaction de la soirée vient de la lumineuse Hilary Hahn, toujours aussi investie dans l’expression d’inflexions tour à tour colorées et soyeuses, au service d’une pure beauté sonore. L’Américaine n’en oublie pas cependant de montrer du caractère par endroit, bien aidée en cela par l’accompagnement serein et discret de Slatkin, qui la met ainsi particulièrement en avant. Cette optique fonctionne bien tant la violoniste sait aisément relancer un discours parfois ralenti jusque dans les moindres détails, laissant pantois les plus rétifs à ces interprétations peu nerveuses. Elle recueille logiquement une ovation nourrie à la fin de la représentation, interprétant en bis son compositeur d’élection, Bach, tout comme la veille au Sucre.

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