Une soirée d’exception invite nécessairement à l’usage de superlatifs et
l’on n’en voudra pas à Christophe Ghristi de s’enthousiasmer, à l’issue
du spectacle, pour l’ensemble des artistes qu’il a su réunir autour de
lui. En connaisseur avisé et reconnu des voix, le directeur de l’Opéra
de Toulouse nous gâte en invitant l’une des plus grandes spécialistes
actuelles du rôle-titre en la personne de Marina Rebeka: vivement
applaudie par un public toulousain enthousiaste, la soprano lettone
n’est pas pour rien dans la réussite de cette production, tant son
timbre gorgé de couleurs et son sens du théâtre font mouche. Sa
puissance vocale fait trembler les murs du Capitole dans l’incarnation
de la fureur, vibrante et sincère. On pourra juste noter quelques
passages de registre un peu rudes, notamment dans le célébrissime «Casta
diva», qui requiert davantage de souplesse. Mais ce n’est là qu’un
détail, tant l’ivresse sonore nous saisit tout du long, aussi bien dans
les airs que dans les duos avec Karine Deshayes, qui ne lui cède en rien
dans la vérité dramatique – composant une Analgisa de grande classe,
aux phrasés ensorcelants de précision et aux aigus parfaitement
maîtrisés. On retombe malheureusement quelque peu des cimes avec le
solide mais trop marmoréen Airam Hernández (Pollione), qui doit prendre
davantage de risques à l’avenir pour dépasser sa zone de confort. Les
seconds rôles sont à la hauteur, hormis le pâle Flavio de François
Almuzara, en délicatesse avec la justesse, tandis que le Chœur du
Capitole surprend encore par son engagement qui ne sacrifie jamais au
sens. Un atout majeur bien connu à Toulouse, avec le toujours excellent
Orchestre national du Capitole, sous la baguette attentive de Giampaolo
Bisanti. Le chef italien, régulièrement invité par l’Opéra royal de
Wallonie à Liège, se délecte des moindres nuances de l’inspiration de
Bellini, tout en donnant une vigueur peu commune au récit. Il parvient à
toujours garder l’équilibre entre fosse et plateau, le tout magnifié
par l’acoustique détaillée du Capitole.
A ce régal de subtilité interprétative répond la non moins réussie mise en scène d’Anne Delbée, bien connue des amateurs de théâtre, pour lequel elle a tant donné à la fois comme comédienne et metteur en scène. Outre quelques succès littéraires (notamment la biographie de Camille Claudel, Une femme, en 1982), l’ancienne collaboratrice d’Antoine Vitez s’est illustrée par quelques rares mises en scène d’ouvrages lyriques, dans les années 1980 à Nancy et Nantes notamment, avant l’opportune reconnaissance du chef-d’œuvre comique de Cherubini, Le Porteur d’eau, donné à Karlsruhe dans sa version allemande en 1989. Delbée nous rappelle ici combien Norma est une héroïne dont le destin la rattrape inexorablement, tant les forces surnaturelles dont elle se réclame semblent lui échapper peu à peu: avec l’ajout du personnage théâtral du Grand Cerf, elle convoque une figure énigmatique qui donne une grandeur symbolique aux événements, tel un fatum imperturbable. Elle relie ainsi Norma aux épisodes tragiques de la littérature classique grecque, tout en la liant à ses origines celtes, nous invitant à méditer sur les errances troubles de cette mère vengeresse aux faux airs de Médée. Quel dommage toutefois que nous soit imposée une inutile voix off qui, non contente de nous ennuyer de la vacuité sentencieuse de sermons druidiques, se permet d’intervenir plusieurs fois pendant les épisodes orchestraux! C’est d’autant plus regrettable que la scénographie intemporelle et épurée d’Abel Orain donne un écrin raffiné à l’action pendant toute la soirée, en plaçant l’intense direction d’acteur au centre de l’attention.
A ce régal de subtilité interprétative répond la non moins réussie mise en scène d’Anne Delbée, bien connue des amateurs de théâtre, pour lequel elle a tant donné à la fois comme comédienne et metteur en scène. Outre quelques succès littéraires (notamment la biographie de Camille Claudel, Une femme, en 1982), l’ancienne collaboratrice d’Antoine Vitez s’est illustrée par quelques rares mises en scène d’ouvrages lyriques, dans les années 1980 à Nancy et Nantes notamment, avant l’opportune reconnaissance du chef-d’œuvre comique de Cherubini, Le Porteur d’eau, donné à Karlsruhe dans sa version allemande en 1989. Delbée nous rappelle ici combien Norma est une héroïne dont le destin la rattrape inexorablement, tant les forces surnaturelles dont elle se réclame semblent lui échapper peu à peu: avec l’ajout du personnage théâtral du Grand Cerf, elle convoque une figure énigmatique qui donne une grandeur symbolique aux événements, tel un fatum imperturbable. Elle relie ainsi Norma aux épisodes tragiques de la littérature classique grecque, tout en la liant à ses origines celtes, nous invitant à méditer sur les errances troubles de cette mère vengeresse aux faux airs de Médée. Quel dommage toutefois que nous soit imposée une inutile voix off qui, non contente de nous ennuyer de la vacuité sentencieuse de sermons druidiques, se permet d’intervenir plusieurs fois pendant les épisodes orchestraux! C’est d’autant plus regrettable que la scénographie intemporelle et épurée d’Abel Orain donne un écrin raffiné à l’action pendant toute la soirée, en plaçant l’intense direction d’acteur au centre de l’attention.
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