Depuis sa nomination fin 2017 comme directeur de la danse de l’Opéra 
national de Bordeaux, Eric Quilleré a engagé un partenariat avec Angelin
 Preljocaj (né en 1957) afin de faire découvrir plus encore le travail 
du grand chorégraphe français. Avant la très attendue création mondiale 
de Mythologies, prévue dans un an tout juste sur une musique de Thomas Bangalter, place à l’un de ses plus parfaits chefs-d’œuvre,Blanche-Neige
 (2008). Déjà présenté à Bordeaux en ouverture de saison 2018, ce ballet
 s’est imposé d’emblée à sa création à la Biennale de la danse de Lyon, 
occasionnant une captation en version réduite pour Arte et l’édition 
d’un DVD par mk2 éditions (2010).
Adaptée du conte des frères Grimm, à l’instar du film homonyme de Walt 
Disney, la trame du ballet reprend les principales péripéties de cette 
histoire bien connue, en y apportant d’emblée une touche plus sombre 
avec la lente agonie de la mère de Blanche-Neige. Cette scène, sans 
doute un peu trop longue, contraste avec la suite, toujours très rythmée
 et inventive dans ses partis pris visuels épurés, qui font la part 
belle à des lumières en clair-obscur, autour d’une scénographie où le 
noir domine. Les splendides costumes de Jean-Paul Gaultier n’en 
ressortent que davantage, avec l’adjonction de toute une série de 
détails dont le créateur a le secret, des coutures apparentes aux 
bretelles, en passant par bérets et crinolines. Les costumes savent 
aussi gagner en légèreté et transparence pour donner une touche 
sensuelle aux scènes où le désir domine, sans jamais tomber dans la 
vulgarité.
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
mercredi 7 juillet 2021
« Blanche-Neige » d'Angelin Preljocaj - Opéra de Bordeaux - 04/07/2021
Particulièrement impressionnante, l’entrée de la Reine permet à Nicole 
Muratov de se jouer de ses périlleux talons aiguilles, tout comme d’une 
robe fendue en forme de traîne; sa danse vénéneuse donne beaucoup de 
caractère au personnage, rappelant l’adage fameux: «plus le méchant est 
réussi, plus réussi sera le film». A l’attendu miroir qui permet à la 
Reine de danser avec son double succèdent d’autres visions marquantes 
comme celle des sept nains grimés en mineurs, escaladant en un ballet 
hypnotique un mur avec l’aide de leurs cordes de rappel. La poésie 
délicate de la Blanche-Neige incarnée par Alice Leloup, toute de 
fragilité diaphane, permet une opposition saisissante d’intensité dans 
la scène de la pomme, où la Reine traîne sa rivale comme un pantin 
décharné. De même, en fin de soirée, l’idée de faire danser le Prince 
avec la morte bouleverse, le tout sur les notes tout aussi tragiques de 
l’Adagietto de la Cinquième Symphonie de Mahler.
En dehors des brefs interludes de musique électronique, tour à tour 
vaporeux et nerveux dans l’utilisation de bruitages en scansion, la 
musique des symphonies de Mahler (toutes entendues, à l’exception de la Septième) donne beaucoup de saveur au spectacle. A l’instar du ballet consacré à la Troisième Symphonie de Mahler par John Neumeier,
 la musique du maître autrichien semble avoir été écrite pour décrire la
 variété des atmosphères de cette histoire, donnant à entendre tout 
l’écho de la nature en majesté (aux coloris irrésistibles dans la Quatrième Symphonie notamment), comme des aspects populaires dansants (dont la chanson enfantine Frère Jacques, citée par la marche funèbre de la Première Symphonie), sans parler des cris déchirants du pathos mahlérien, dans les Deuxième et Sixième
 notamment. Même si l’on peut regretter que ces extraits ne soient 
donnés qu’en bande-son enregistrée, le plaisir de redécouvrir ce vaste 
corpus symphonique, jusqu’aux confins plus audacieux de la Dixième, résonne encore longtemps dans les oreilles à l’issue de la représentation.
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