François-Xavier Roth |
On sait pouvoir compter sur le Festival Radio France Occitanie
Montpellier pour continuer à explorer le répertoire dans toute sa
diversité: le centième anniversaire de la mort de Camille Saint-Saëns
(1835-1921) est ainsi l’occasion de sortir des sentiers battus avec pas
moins de cinq concerts en deux jours, dont le tout premier
principalement dédié à ses poèmes symphoniques. Le concert débute avec Phaëton
(1877), qui rappelle l’influence de son ami Franz Liszt (créateur du
poème symphonique) par la primauté donnée à l’ivresse mélodique, ici
solidement charpentée en un crescendo dramatique irrésistible:
l’apaisement soudain permet à Saint-Saëns de reprendre le thème
principal en un climax inoubliable, qui parcourt toutes les cordes vers
les graves avant de s’éteindre en un magma impalpable. Particulièrement
attentif à la narration, François-Xavier Roth avance en un élan
virevoltant, donnant une légèreté bondissante à l’ensemble, tout en
faisant ressortir d’admirables couleurs, aux cuivres notamment.
Moins roboratif, Le Rouet d’Omphale (1872) laisse entrevoir toute
l’admiration de Saint-Saëns pour Wagner en son début évocateur où la
forêt semble s’éveiller à un jaillissement de vitalité: Roth fait valoir
toute sa subtilité dans l’allégement des textures et la capacité à
faire ressortir le moindre détail insolite. Après les premiers nuages
sombres, la fin pianissimo est un régal de maîtrise, sans aucun
maniérisme. L’incontestable événement de la soirée vient toutefois de la
présence de Sol Gabetta, qui illumine de son engagement le rare Second Concerto pour violoncelle
(1905), avec une profondeur d’expression dans les phrasés qui donne
beaucoup d’intensité à chacune de ses interventions. A ses côtés, Roth
est attentif à ne jamais l’étouffer, offrant des attaques franches et
des couleurs superbes à cette œuvre parfois déroutante dans ses brusques
changements de climat. Entièrement acquis à sa cause, les musiciens
font corps avec le chef pour épouser sa vision contrastée: le deuxième
mouvement, comme suspendu dans les airs, est un délice de raffinement.
En bis, les interprètes font entendre le deuxième mouvement du Premier Concerto, de forme moins libre.
Après l’entracte, le méconnu poème symphonique La Jeunesse d’Hercule
(1877) ne fait pas entendre le meilleur Saint-Saëns, en panne
d’inspiration mélodique et tentant de coller maladroitement des éléments
disparates. La science de l’orchestre de Roth ne peut pas faire
grand-chose pour améliorer l’ensemble, notamment l’interminable final.
On retrouve des rivages plus familiers avec la Danse macabre (1875), l’un des plus fameux «tubes» du compositeur, dont plusieurs passages en crescendo annoncent la Troisième Symphonie. Entre rebond rythmique et superbes pianissimi (encore une fois!), Roth avance sans temps mort, pour le plus grand bonheur du public. En bis, la Bacchanale de Samson et Dalila
vient nous rappeler combien Saint-Saëns aurait gagné à oser incorporer
davantage d’emprunts aux musiques découvertes lors de ses nombreux
voyages, à l’instar du tourbillon ébouriffant de cette pièce conclusive.
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