samedi 3 juillet 2021

« La Fille de Madame Angot » de Charles Lecocq - Théâtre des Champs-Elysées à Paris - 30/06/2021

Fidèle à sa mission, le Palazzetto Bru Zane (Centre de musique romantique française, basé à Venise) nous réjouit une fois encore en jetant son dévolu sur l’un des plus grands succès de la muse lyrique légère au XIXe siècle : La Fille de Madame Angot de Charles Lecocq (1832-1918). C’est là le tout premier triomphe du contemporain de Bizet, avec lequel il remporta ex æquo un concours d’opérette en tout début de carrière, avec Le Docteur Miracle (donné voilà deux ans au Studio Marigny, déjà par les équipes du Palazzetto).

Au sortir de la guerre perdue face aux Prussiens en 1870, Lecocq prend l’exact contrepied d’Offenbach, empêtré dans sa trop longue et dispendieuse satire Le Roi Carotte (voir la production écourtée de Laurent Pelly, reprise à Lyon voilà deux ans), pour proposer une comédie légère et virevoltante, en un lointain hommage à Boieldieu. Moquant l’éternelle valse des régimes en France, le livret nous ramène au temps du Directoire, en donnant la parole à la savoureuse gouaille populaire des Halles, tout en y incorporant des figures contre-révolutionnaires alors bien connues, Louis-Ange Pitou et Mademoiselle Lange.

Leurs incessants allers-retours en prison donnent la principale action au livret, malheureusement trop statique et longuet dans ses résolutions boulevardières. Certaines scènes restent toutefois mémorables par leur caractérisation truculente et colorée, tels l’affrontement entre les deux héroïnes ou les interventions goguenardes du chœur face aux solistes, en de nombreux endroits. Mais c’est bien la faiblesse du livret qui explique pourquoi les équipes du Palazzetto Bru Zane ont préféré la version de concert, à l’inverse de l’Opéra de Lausanne en 2010.

Sébastien Rouland

Vivement applaudi à l’issue de la représentation, le beau plateau vocal réuni aurait pu être meilleur encore si Véronique Gens avait été davantage en forme. Peu audible dans le medium et en difficultés dans les accélérations, la soprano française compense par ses beaux phrasés dans les parties apaisées. Gageons que le disque à paraître avec les mêmes interprètes, dans l’élégante collection des livres-disques de l’éditeur Glossa, saura gommer ces imperfections. A ses côtés, Anne-Catherine Gillet (Clairette) s’impose avec aisance dans l’agilité vocale, soutenue par une fraîcheur de timbre et le soyeux de l’émission, tout en semblant prendre beaucoup de plaisir tout du long de la soirée dans son rôle de jeune intrigante. On aime aussi la leçon de diction de Mathias Vidal (Ange Pitou), toujours aussi saisissant dans l’intention et la vérité dramatique, à l’instar d’Artavazd Sargsyan (Pomponnet), au timbre malheureusement un peu voilé par endroits. Autour du solide Matthieu Lécroart (Larivaudière), tous les seconds rôles essentiellement parlés donnent beaucoup de saveur populaire, rappelant combien l’esprit de troupe est important dans ce répertoire.

La direction vive et efficace de Sébastien Rouland apporte aussi beaucoup d’électricité à l’ensemble, même si elle peine à convaincre sur la durée par le peu d’exploration des climats et nuances. On est aussi quelque peu déçu par le terne pupitre de premiers violons de l’Ensemble orchestral de Paris, tandis que le chœur du Concert spirituel, meilleur dans ses éléments masculins, se laisse trop couvrir par le chef.


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