mardi 8 février 2022

« La Femme silencieuse » de Richard Strauss - Barrie Kosky - Opéra de Munich - 04/02/2022

Avec l’imposition de mesures sanitaires de bon sens (jauge réduite, port obligatoire d’un masque ffp2 et contrôle d’identité avec le pass sanitaire), les autorités bavaroises ont réussi non seulement à maintenir les productions prévues depuis le début de l’année, mais également la formidable vitalité du lieu : on est agréablement surpris, en tant qu’habitué des salles hexagonales, du nombre considérable de personnes présentes avant le spectacle pour boire un verre dans les différents lieux prévus à cet effet. De même, pendant l’entracte, on se surprend à découvrir un parterre d’orchestre entièrement vide, tandis que les spectateurs se sustentent un peu partout. Dans ce contexte, l’Opéra de Paris a judicieusement emboité le pas de ses homologues germaniques, en permettant la réservation au préalable de diners pendant l’entracte – une initiative à saluer vivement pour faire vivre les représentations bien au-delà du spectacle proprement dit.

A Munich, l’Opéra de Bavière n’en oublie pas de fêter les enfants qui ont fait sa gloire à travers le monde, tel Richard Strauss. Même s’il a souvent préféré l’Opéra de Dresde pour créer ses ouvrages lyriques, le Bavarois honore logiquement le hall d’entrée de son buste, en face de celui de Richard Wagner, tout en voyant régulièrement ses ouvrages montés jusqu’aux plus rares, telle cette Femme silencieuse (1934). Moins couru que les chefs d’oeuvre d’avant 1920, cet ouvrage peine à renouveler son inspiration musicale, empruntant sans vergogne aux délices tonaux du Chevalier à la rose, tandis que le livret de Zweig lorgne du côté des comédies de Goldoni, sans jamais réellement surprendre. Pour autant, le métier de Strauss réserve quelques moments délicieux, notamment dans la palette enivrante des couleurs orchestrales et dans la virtuosité piquante des ensembles. Ce petit bijou d’orfèvre nécessite toutefois un plateau vocal homogène et rompu aux difficultés techniques de la partition pour exprimer pleinement l’humour distillé ici et là.

Le défi n’est malheureusement qu’imparfaitement réussi, du fait d’un niveau inégal côté féminin, avec la gouvernante bien pâle de Christa Payer et le suraigu peu harmonieux des deux sopranos, Lavinia Dames (Isotta) et Tara Erraught (Carlotta). La première joue trop de son vibrato pour convaincre tout du long, ce qui est dommageable compte tenu de l’importance du rôle. A l’inverse, Tara Erraught (Carlotta) s’impose avec des graves parfaits, aussi suaves que parfaitement projetés, tandis que la plus belle satisfaction vocale revient à l’irrésistible barbier de Björn Bürger. Le baryton allemand fait valoir la beauté de son timbre par une émission naturelle, trouvant le juste équilibre entre jubilation dans la tromperie et manifestation d’autorité (en lien avec la mise en scène qui lui confie un rôle de maître de cérémonie). On aime aussi le solide neveu incarné par Daniel Behle ou le choeur local, parfaitement en place. Dommage que Franz Hawlata manque d’éclat dans son rôle prépondérant de barbon trompé : la voix usée n’aide pas à donner du mordant à ses reparties, et ce malgré un art du parlé-chanté parfaitement maîtrisé.

Dans la fosse, l’expérimenté Stefan Stoltesz, ancien directeur musical de l’Opéra d’Essen de 1997 à 2013, montre qu’il connait les moindres recoins de la partition, imprimant des phrasés d’un naturel toujours alerte, au service de l’efficacité théâtrale. Malgré quelques infimes réserves, notamment des cuivres un rien trop forts par endroit, l’Orchestre de l’Opéra de Bavière donne lui aussi beaucoup de satisfaction, tout particulièrement dans la précision des attaques.

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