lundi 7 février 2022

« La Petite renarde rusée » de Leoš Janáček - Barrie Kosky - Opéra de Munich - 03/02/2022

Opéra de Munich
Lieu de résidence de l’Opéra et du Ballet de Bavière, le Théâtre national de Munich a été reconstruit en 1963 dans un état pratiquement identique à celui d’avant-guerre, contrairement aux choix opérés dans de nombreuses villes allemandes (notamment à Francfort la même année). C’est là un choix heureux, tant la décoration de la salle surprend d’emblée par la finesse de sa décoration dans le style de 1825, avec ses frises aux motifs néo-classique, ses couleurs pastel et ses monumentales caryatides pour la loge royale. On aime aussi les élégants fauteuils d’orchestre en bois blanc et or, recouverts de velours rose sur le dossier, à l’instar des rampes des circulations. Outre le somptueux foyer, lui aussi reproduit à l’identique, on chemine parmi les tableaux et bustes des célébrités locales, de Richard Wagner à Richard Strauss, en passant par les plus controversés Carl Orff et Werner Egk. Les chanteurs et chefs d’orchestre de renom ne sont pas oubliés, tel Bruno Walter, ancien directeur général de la musique entre 1913 et 1922.

Reconnue parmi les plus prestigieuses bien au-delà des frontières allemandes, la Maison bavaroise a eu la bonne idée de recruter Serge Dorny à sa direction. Bien connu en France, où il a dirigé l’Opéra de Lyon entre 2003 et 2021, le Belge s’est distingué par sa curiosité pour l’exploration du répertoire, notamment celui du début du XXème siècle, tout en accueillant des metteurs en scène audacieux, tel Barrie Kosky l’an passé (voir notamment Le Coq d’or et Falstaff). Pour sa première saison à Munich, Serge Dorny choisit de poursuivre sa collaboration avec l’inventif Australien, déjà bien connu ici pour le dépoussiérage audacieux opéré en 2010, avec La Femme silencieuse de Richard Strauss (un spectacle repris en ce moment). Dans ce contexte, la nouvelle production de La Petite renarde rusée (1924) de Leoš Janáček (1854-1928) est l’un des spectacles les plus attendus de la saison, à voir ou revoir pendant le festival cet été.

D’emblée, avant même que résonnent les premières notes du prélude, Barrie Kosky impose la concentration en dévoilant un plateau entièrement dénudé, seulement occupé par quelques personnes affairées à enterrer un proche. C’est là l’idée force de cette production que de refuser de montrer la nature ou les animaux, en opposant deux conceptions de la vie, celle des amoureux de la liberté et de l’insouciance (les animaux du livret, habillés avec des couleurs chatoyantes et toujours en mouvement) à celle des plus inquiets, qui acceptent les contraintes souvent castratrices de l’organisation sociale. On reconnait dans ces derniers les hommes du livret, tout de noir vêtus, toujours immobiles et piégés dans une trappe, à l’instar de certains personnages de Beckett. Plutôt que de forêt, Kosky donne à voir un fascinant mélange de fils tissés qui s’entremêlent et se revisitent en permanence, comme un symbole de régénération mais aussi des différents possibles que la vie nous offre. La finesse des éclairages n’est pas pour rien dans la réussite de cette scénographie évocatrice et originale, qui explore le noir dans toute son épure, tout en jouant sur les reflets des matières (du strass aux paillettes, en passant par d’inattendus boas !). Seules quelques rares scènes échappent à ce traitement, tel le burlesque et coloré festin de la renarde, qui se régale des poules transformées en cocotte de cabaret, aussi ravissantes qu’écervelées. Outre le statisme de certaines scènes, on pourra toutefois reprocher à cette production de ne pas aider à s’y retrouver parmi les nombreux personnages du livret, si ce n’est par l’identification visuelle en deux camps distincts.

Quoi qu’il en soit, le public réserve un accueil chaleureux à ce travail cohérent et visuellement enchanteur, de même qu’au plateau vocal homogène réuni pour l’occasion. On aime tout particulièrement la fraicheur d’Elena Tsallagova (la Renarde) et Angela Brower (le Renard), au chant aussi soyeux qu’engagé. A leur côté, Wolfgang Koch (Le garde-chasse) compense un timbre fatigué par une belle noblesse de ligne, tandis que Martin Snell (Le pasteur, Le blaireau) se distingue par son intensité, toujours de belle tenue. La direction de Mirga Grazinytė-Tyla souffle quant à elle le chaud et le froid en jouant sur les variations de tempi, très vifs dans les passages enlevés, plus apaisés en contraste ensuite. Impressionnante de mise en place, la direction se perd parfois dans les détails et l’exacerbation des couleurs, au détriment de la vision d’ensemble et de la spontanéité. On se régale toutefois de la qualité de l’Orchestre de l’Opéra de Bavière, notamment la cohésion d’ensemble, le tout magnifié par une acoustique flatteuse.

 

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