Située à une heure de train de Paris, la ville d’Orléans peut
s’enorgueillir d’une opulente tradition en matière de musique classique,
encore bien vivante en ces heures de restrictions budgétaires. Outre la
saison lyrique opérée par La Fabrique Opéra Val de Loire ou le Concours
international de piano, le public fidèle sait pouvoir compter sur les
six concerts organisés chaque année par l’Orchestre symphonique
d’Orléans. Fondée en 1921, la formation, composée de professionnels et
d’amateurs (essentiellement des professeurs et élèves du Conservatoire),
a fêté son centenaire en publiant un ouvrage commémoratif, richement
fouillé et illustré par Philippe Barbier et Jean‑Dominique Burtin (Daniel Plot Editeur,
2022). L’ouvrage détaille la création, dès 1722, d’une Académie de
musique dirigée par François Giroust (ancien surintendant de la musique
de Louis XVI), puis l’organisation régulière de concerts tout au long du
XIXe siècle, avec le recrutement de rien moins que César Franck en tant qu’accompagnateur attitré au piano, de 1845 à 1863.
Plus encore que ce passé prestigieux, c’est bien le répertoire de
l’Orchestre symphonique d’Orléans qui impressionne par sa diversité,
notamment les cycles thématiques et leurs répertoires éloignés des
sentiers battus, par exemple les rarissimes Mass de Bernstein en 2007, le Concerto pour piano de Busoni en 2012 ou la création d’Andromède
de Thibaut Vuillermet (né en 1983), l’an passé. Le concert, dédié au
« Rêve américain », ne fait pas exception cette année, avec pas mal de
surprises au programme, dont un inattendu Concerto pour timbales (2003) de Michael Daugherty (né en 1954).
Confié aux bons soins de Gerald Scholl, timbalier solo de l’Orchestre
symphonique de Wichita (ville jumelée avec Orléans depuis tout juste
cinquante ans), le concerto débute avec l’exploration des sonorités de
la timbale la plus grave (sur les sept en présence), aux résonances
mystérieuses et hypnotiques. Peu à peu, la sobriété laisse place au
style emphatique et spectaculaire de Daugherty, proche de la musique de
film : les timbales déchaînées contrastent avec les scansions
homophoniques des cuivres, rappelant l’univers sonore des westerns,
tandis que les vents déploient des volutes plus orientalisantes en
comparaison. Une transition en forme de glissando donne à Scholl
l’occasion de déployer toute sa technique véloce lors d’un long solo
intense, où les timbres évoluent au gré des différentes baguettes
utilisées. Le changement d’ambiance après le solo surprend par ses
emprunts à la musique de jazz et sud‑américaine, évoquant Bernstein ou
Revueltas par l’entremêlement des thèmes savants et populaires. Le chef
allemand Marius Stieghorst, directeur musical de l’Orchestre symphonique
d’Orléans depuis 2014, n’a pas son pareil pour faire swinguer sa
formation, sans jamais sacrifier à la précision des attaques des
différents pupitres.
Le concert avait débuté avec une prise de parole du chef, tout d’esprit
et humour, pour présenter la musique minimaliste de John Adams (né en
1947), permettant d’appréhender les changements d’atmosphère et le
raffinement de l’orchestration des Chairman Dances (1985). Malgré
une acoustique sèche, Stieghorst fascine par son attention au
développement des irrésistibles crescendos, entre mise en valeur des
transitions et nuances, sans parler de l’allégement manifeste de la
masse orchestrale. Après l’entracte, ces mêmes qualités mettent en
valeur les extraits des hits de Duke Ellington (1899‑1974) et
Billy Strayhorn (1915‑1967), arrangés par le compositeur Jeff Tyzik : la
fusion réussie entre jazz et musique classique donne littéralement
envie de danser, malgré un démarrage un rien trop prudent des cuivres.
Les amateurs de cette musique se reporteront au disque remarquable
enregistré par Simon Rattle en 2000 pour EMI (arrangement de Luther Henderson), toujours insurpassable dans ce répertoire.
Après le délicieux « Send in the clowns », extrait de la comédie musicale A Little Night Music (1973) de Stephen Sondheim, Stieghorst enchaîne, sans interruption, avec le poème symphonique bien connu Un Américain à Paris
(1928) de George Gershwin, dont les habitués de Radio Classique auront
reconnu le générique de l’émission « Tous Classiques », animée par
Christian Morin. Autant l’humour (notamment les effets de klaxons) que
l’énergie rythmique déployée font mouche en un tempo endiablé, de même
que le bis extraverti, Star and Stripes Forever de Sousa, où le
public applaudit en rythme à la fin de la pièce. De quoi animer cette
fin de concert d’une énergie communicative, reflet du mélange
d’effervescence chaleureuse et d’ambition artistique de son chef : une
perle qu’Orléans fait bien de choyer !
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
mercredi 8 février 2023
Concert de l'Orchestre symphonique d’Orléans - Marius Stieghorst - Théâtre d'Orléans (salle Pierre‑Aimé Touchard) - 04/02/2023
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