Avec une dizaine de concerts donnés chaque année, la saison de l’Auditorium du Louvre continue d’attirer un public fidèle, sans doute charmé par la proximité avec les interprètes, du fait de sa jauge réduite à 420 places. C’est là la taille idéale pour accueillir l’Ensemble Les Surprises, qui défend depuis sa création l’interprétation sur instruments d’époque autour d’un effectif restreint. Le chœur qui accompagne ce programme, qui met en miroir les musiques de Marc‑Antoine Charpentier (1643‑1704) et Henry Desmarest (1661-1741), est lui aussi allégé à onze chanteurs, dont certains font office de solistes à l’occasion.
Tout au long de la soirée, on assiste ainsi à un va‑et‑vient des choristes-solistes, qui rejoignent le devant de la scène pour rapidement retrouver leur position initiale auprès de leurs collègues, une fois leur solo achevé. Si le niveau du chœur est superlatif, comme on avait déjà pu le constater en concert (voir notamment en 2021), on est plus réservé concernant les solistes, qui affichent un bon niveau, sans plus. Eugénie Lefebvre domine la distribution par son engagement éloquent, faisant valoir ses riches moyens par une intention mordante, parfois un rien à la peine dans les accélérations. On aime aussi la musicalité pleine de grâce de Jehanne Amzal, et ce malgré les rares attaques imprécises qui occasionnent quelques faussetés. Clément Debieuvre se démarque côté masculin par *a voix agile et son sens dramatique, tandis qu’Etienne Bazola affiche sa solidité technique, un rien trop marmoréenne sur la durée.
La soirée vaut avant tout pour la direction vive et enjouée de
Louis‑Noël Bestion de Camboulas, qui n’a pas son pareil pour donner un
rebond rythmique sans temps mort au prélude bien connu du Te Deum
(1698) de Charpentier, qui ouvre le programme. Si la trompette de
Jean‑Charles Denis a fort à faire tout du long, elle se joue de la
plupart des écueils avec un bel aplomb, malgré quelques inévitables
faussetés. C’est surtout la seconde partie du programme, consacrée à des
redécouvertes récentes d’ouvrages d’Henry Desmarest, à la Bibliothèque
de l’Académie du Concert de Lyon, qui donne un éclairage réjouissant à
ce concert. Un disque de ce programme est en préparation, suite à
l’enregistrement réalisé en décembre 2022 à l’Arsenal de Metz, avec une
sortie prévue en novembre 2023.
On doit au travail du Centre de musique baroque de Versailles (déjà à
l’origine d’un hommage à Charpentier avec l’apposition d’une plaque sur
l’hôtel de Clisson à Paris, pour rappeler ses fonctions de compositeur
au service de Mademoiselle de Guise, entre 1670 et 1688) le travail de
réédition de cette musique aussi chaleureuse qu’expressive, parfois
surprenante dans son utilisation dramatique des silences. Autant l’Usquequo Domine (1708) que le Te Deum
(postérieur à 1707) montrent un même visage de Desmarest, enthousiaste
et imaginatif, où les différents pupitres et tessitures rivalisent de
joutes virevoltantes.
Le retour de la trompette aux deux tiers du Te Deum, fait croire à
la fin de l’ouvrage, ce qui trompe une partie du public qui
applaudit avant la véritable conclusion. Face à l’accueil chaleureux et
manifeste, Bestion de Camboulas gratifie l’assistance d’un bis charmant,
dédié au sommeil (Cur non tollis peccatum meum). De quoi
ressortir de l’Auditorium avec des étoiles plein les yeux, et la volonté
de découvrir plus avant ce magicien des sons qu’est Desmarest.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire