Créée en 2021, la production de La Traviata imaginée par Davide
Livermore revient à Florence, accueillie par une salle pratiquement
pleine. Fidèle à l’ouvrage, la transposition dans la période agitée de
1968 trouve son illustration dans les différents slogans reproduits en
français (« Sous les pavés, la plage »), bien loin des origines du
drame, tiré de La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils. Le
fossé social entre les deux amoureux trouve ici une illustration plus
familière, en montrant Violetta en artiste bohème, affairée à son studio
de photographie au II. La scène des gitans est transformée en soirée arty
qui célèbre l’Espagne entre Picasso, les danses traditionnelles et la
corrida. La direction d’acteur cherche constamment à animer le plateau,
mais sans grande originalité, si ce n’est dans la stylisation des saluts
en fin de représentation (tout comme la veille pour le Doktor Faust de Busoni).
La soirée vaut avant tout pour le plateau vocal réuni, qui recueille des
applaudissements nourris tout du long, particulièrement le Giorgio
d’Amartuvshin Enkhbat (remplaçant en dernière minute Plácido Domingo),
dont la noblesse de phrasé laisse pantois, sans parler de sa sûreté
d’émission sur toute la tessiture, sans aucun effort apparent. Il est
dommage que l’interprétation reste plus en retrait, mais c’est une
conception du personnage qui se tient, sans excès ni fioritures. A ses
côtés, Francesco Meli (Alfredo) impressionne par son engagement,
imposant autant sa longueur de souffle que son sens des nuances, d’une
redoutable virtuosité dans les sauts de registre. L’émission legato est
un régal, avec une attention à la prononciation proche de l’idéale.
Comme à son habitude, Aida Garifullina (Violetta Valéry) impressionne
quand la voix est en pleine puissance, balayant tout sur son passage,
entre sens des couleurs et incarnation vibrante. Elle est toutefois plus
décevante dans le médium ou les vocalises, où l’articulation manque
d’agilité. Tout le reste de la distribution affiche un excellent niveau,
au premier rang la touchante Flora d’Ana Victória Pitts, tandis que le
chœur montre sa maîtrise de la partition dans les grandes pages qui lui
sont destinées, admirables de cohésion.
A rebours du pas lent par lequel il arrive dans la fosse, Zubin Mehta
(né en 1936) montre toute sa connaissance de l’acoustique des lieux en
allégeant la pâte orchestrale dans le soutien aux chanteurs pour mieux
rugir ensuite lorsque ceux‑ci lui laissent le champ libre. Nommé chef
honoraire à vie de l’Orchestre du Mai musical florentin, le chef
surprend par sa conduite narrative, aux tempi mesurés, tout en créant
des climats d’urgence inattendus jusque dans les parties en pianissimo,
preuve de sa capacité à relancer le discours musical pour porter les
couleurs du drame. Du grand art, applaudi debout par un public
enthousiaste, au moment des saluts pour remercier le maestro, toujours
au sommet.
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
samedi 18 février 2023
« La traviata » de Giuseppe Verdi - Opéra de Florence - 15/02/2023
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