Prématurément décédé, Kurt Weill n’a pu terminer sa comédie musicale Tom Sawyer
(1950), qui a été achevée en 2020 par le chef d’orchestre Kai Tietje
(également présent dans la fosse berlinoise), avec l’adjonction de
chansons du même compositeur. La salle comble pour cette première montre
la confiance du public pour la qualité des spectacles proposés au Komische Oper
depuis plusieurs années, pour tous les âges. La concentration des plus
jeunes, dès le début du spectacle, force l’admiration : les rythmes
enjoués des fanfares de Weill, aux accents narquois aux cuivres (en mode
sourdine jazzy), provoquent déjà quelques rires et montrent toute
l’étendue de l’imagination d’un compositeur au fait de ses moyens,
variant les climats comme son maître Busoni (voir notamment son Doktor Faust, récemment monté à Florence).
Les mélodies volontiers sucrées caressent les jeunes têtes blondes dans
le sens du poil, y compris dans les dialogues soutenus par plusieurs
instruments aux sonorités populaires (banjo, etc). Interprété
entièrement en allemand, l’ouvrage ne bénéficie pas des habituels
sous‑titres en plusieurs langues (dont le français) sur le siège devant
soi, faisant ainsi perdre la compréhension des nombreuses réparties
humoristiques pour le non‑germanophone. L’action, très lisible, reste
toutefois accessible en reprenant le déroulé des péripéties bien
connues : ainsi des tendres remontrances de la tante Polly pour les
velléités d’école buissonnière de Tom et Huck, avant l’arrivée de la
ravissante Becky et du sournois Killer‑Joe, deux grains de sable
perturbateurs de l’équilibre de la petite communauté rassemblée autour
du Mississippi.
La mise en scène de Tobias Ribitzki épouse le rythme de l’action en
plaçant la direction d’acteur au premier plan, tout en montant et
démontant à vue les rares éléments de décors au gré des différentes
saynètes. La simplicité sans ostentation qui se dégage de ce travail
centré sur les interprètes trouve une sorte d’évidence joyeuse, collant
parfaitement à la malice humaniste de Mark Twain. Ainsi du très fourni
chœur d’enfants, qui embrasse un large éventail d’âges, aussi
réjouissant d’enthousiasme communicatif qu’impressionnant de qualité
technique. C’est là un des habituels points forts de l’interprétation
musicale en Allemagne, et plus encore ici à Berlin. D’une grande
cohésion jusque dans les moindres seconds rôles, la distribution est
dominée par Tom Schimon (Tom) et Michael Heller (Huck), qui font valoir
autant la beauté de leur timbre que le sens de la gouaille attendu.
Enfin, Kai Tietje apporte son sens du swing à l’ensemble, montrant aussi
beaucoup de sensibilité dans les passages apaisés.
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
mardi 21 février 2023
« Tom Sawyer » de Kurt Weill - Tobias Ribitzki - Opéra Comique de Berlin - 18/02/2023
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