mardi 4 avril 2023

« La Fille du régiment » de Gaetano Donizetti - Hervé Niquet - Théâtre des Champs-Elysées à Paris - 03/04/2023

Sahy Ratia et Jodie Devos

Créé en 1848, l’Orchestre de la Garde républicaine reste encore trop souvent réduit à l’effectif d’harmonies qui a fait sa réputation, à même d’entonner les fanfares requises pour les célébrations officielles du pays. Pour autant, augmentée des cordes, la formation devenue symphonique s’autorise plusieurs incursions dans des domaines où on ne l’attend guère, s’attaquant avec audace au répertoire plus «sérieux», notamment lors de prochains concerts dédiés à la Première symphonie d’Henri Dutilleux. Jouer La Fille du régiment (1840) est moins surprenant, tant cette partition délicieuse de Donizetti a été pendant très longtemps un incontournable des célébrations du 14 juillet, du fait de ses appels patriotiques fédérateurs. Aujourd’hui, l’ouvrage parmi les plus appréciés de son auteur, est régulièrement donné sur les plus grandes scènes, grâce à la production ébouriffante de Laurent Pelly, entre autres.

On sait pouvoir compter sur le talent de la maison de production Les Grandes Voix pour réunir un plateau vocal de haut niveau, à même de faire oublier l’absence de mise en scène. Ainsi de la lumineuse Jodie Devos (Marie), qui impressionne à force d’agilité et d’homogénéité sur toute la tessiture ; la diva fait vivre son rôle d’une fantaisie très incarnée, mais sans excès. Sa leçon de chant drolatique avec sa tante au II (une saynète dont se souviendra certainement André Messager pour ses irrésistibles « P’tites Michu », en 1897) fait valoir son aisance comique naturelle, qui colle au rôle comme une évidence. A ses côtés, Sahy Ratia (Tonio) s’impose tout autant par son chant solaire, admirablement articulé. L’aisance interprétative (tous les chanteurs ayant choisi d’interpréter leur rôle en interaction, sans rester les yeux rivés sur leur partition) se conjugue à une technique fluide, qui ne cesse de s’améliorer : le jeune chanteur malgache (né en 1991) doit encore modifier une émission un rien nasale dans le médium. En dehors de cette réserve, son timbre clair et sa clarté d’émission sont un régal, à juste titre très applaudi en fin de représentation, à l’instar de sa partenaire.

On aime aussi la prestation haute en couleurs de Marc Labonnette (Sulpice), habituel partenaire d’Hervé Niquet (voir notamment Don Quichotte chez la Duchesse en 2015), qui n’a pas son pareil pour jouer l’extraversion vibrionnante, en phase avec son rôle de gros bras au coeur tendre. On retrouve la parfaite Doris Lamprecht en familière du rôle de la marquise de Berkenfield, qu’elle a chanté sur les plus grandes scènes. Malgré un timbre fatigué, sa composition théâtrale de précieuse ridicule que l’on adore détester, à l’instar du court rôle de la Duchesse interprétée par Felicity Lott, est toujours un grand moment de cocasserie. Outre des seconds rôles très bien distribués, on ne peut que s’émerveiller de la précision rythmique des deux choeurs réunis, très engagés. Avec sa verve habituelle, Hervé Niquet en oublie parfois ses chanteurs, couverts dans les tutti, mais son enthousiasme communicatif donne beaucoup de chaleur à l’ouvrage, d’une énergie électrique sous sa baguette.

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