vendredi 25 août 2023

Concert du Quatuor Arod - Festival de la Chaise-Dieu - 24/08/2023

  

Quel chemin parcouru par le Quatuor Arod, depuis son premier prix en 2015 au concours de musique de chambre Carl Nielsen ! Si le remplacement en cours de route de deux de ses membres n’a rien enlevé à la cohésion de l’ensemble, on reste surtout bluffé par la fraîcheur juvénile toujours à l’œuvre, comme si les années n’avaient aucune prise sur eux. Tout du long, on se régale ainsi des regards expressifs que s’échangent les différents interprètes, tout particulièrement à l’alto et au violoncelle, comme un reflet de la complicité manifeste entre chacun – également très présente dans l’excellent documentaire de Bruno Monsaingeon Ménage à quatre, diffusé récemment sur France 5 (à voir en replay jusqu’à fin octobre).

On retrouve les Arod pour un programme confrontant les quatuors de Brahms et Chostakovitch, dans l’intimité de l’auditorium Cziffra (200 places) de La Chaise‑Dieu. D’emblée, l’acoustique chaleureuse des lieux met en avant les individualités qui se dégagent du dernier quatuor de Brahms, à l’atmosphère apaisée : achevé en 1876 en même temps que sa Première Symphonie, le Troisième Quatuor laisse une place quasi concertante à l’alto dans ses deux derniers mouvements, en une légèreté sautillante et sans afféterie. Les Arod allègent les textures, tout en soignant les transitions, sans aucun vibrato appuyé : les détails révélés ne nuisent jamais au discours d’ensemble, toujours conduit par le bras solide de Jordan Victoria au premier violon.

Le concert gagne ensuite en intensité avec le Troisième Quatuor (1946) de Chostakovitch, proche des « symphonies de guerre » par son climat sombre et grinçant, ici préservé de toute emphase triomphale : les premières notes en apparence guillerettes laissent rapidement entrevoir quelques nuages, parcourant les instruments d’une ampleur toute symphonique (expliquant pourquoi le chef Rudolf Barchaï en fit une adaptation pour orchestre à cordes, à l’instar d’autres quatuors de Chostakovitch). A l’ironie de l’Allegretto initial succède la tension martelée du mouvement suivant, qui s’apaise peu à peu pour laisser place à la mélodie, le tout superbement mis en valeur par le travail d’orfèvre des Arod dans le mélange des sonorités en sourdine. Plus tragique encore, l’Allegro est porté par des scansions violentes, en une course à l’abîme où le rythme s’accélère. Le mélange de précision et de concentration des interprètes impressionne, tout autant que l’énergie déployée, laissant peu de répit à l’auditeur. La douleur poignante de l’Adagio laisse ensuite entrevoir toute la maturité des Arod dans l’expression d’un pathos sans excès, avant la conclusion apaisée en trompe‑l’œil, du fait des quelques notes sombres et énigmatiques en contraste.

Après ce « Chostakovitch glacial », dixit le violoncelliste Jérémy Garbarg, les Arod offrent en bis la poésie rêveuse et vaporeuse du mouvement lent du Quatuor (1893) de Debussy : un disque prévu à l’automne devrait nous permettre de découvrir la version chatoyante et langoureuse ici évoquée, comme un doux murmure.

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