Parmi les concerts de la cinquante-septième édition du Festival de
La Chaise‑Dieu, le premier proposé par l’Orchestre national des Pays de
la Loire est certainement à recommander pour qui veut découvrir la
musique classique, tant son programme enchaîne les « tubes ». En guise
d’apéritif, l’Ouverture de l’opéra Rouslan et Ludmila (1842) de
Glinka chauffe les troupes de l’orchestre par son énergie rythmique
irrésistible de fraîcheur, faisant aussi valoir le don mélodique de son
auteur. Le chef autrichien Sascha Goetzel, directeur musical de la
formation depuis un an, ne se pose pas de questions et suit un tempo
endiablé, tout en bondissant sur son podium d’un pupitre à l’autre.
C’est une expérience à part entière que de le voir déployer une telle
énergie, même si l’on redoute une certaine forme d’esbroufe.
La Suite de concert (1919) tirée du ballet L’Oiseau de feu de
Stravinsky balaie ces doutes par l’exploration raffinée des détails
d’orchestration, notamment le début mystérieux entonné par les graves.
L’expressivité de la flûte langoureuse, aux effluves ravéliens, montre
tout le goût du chef pour le mariage aérien des sonorités. Si les
variations de tempo peuvent surprendre, le chef n’hésitant pas à
ralentir les passages lents pour mieux accélérer les parties plus vives,
ce geste apporte une vitalité toujours passionnante.
L’orchestre montre quelques faiblesses au début de la Neuvième Symphonie
(1893) de Dvorák, notamment quelques imprécisions aux cors ou un manque
de souplesse des premiers et seconds violons : ces quelques soucis sont
rapidement balayés par le tempérament chaleureux de Sascha Goetzel, qui
galvanise ses troupes par ses phrasés imaginatifs. Seuls les tutti
déçoivent par leur aspect compact, tandis que le chef doit encore
travailler les crescendi et descrescendi, trop extérieurs.
On note aussi quelques imprécisions dans la mise en place, notamment
une attaque en avance au hautbois, ou encore un décalage lors du choral
introductif des cuivres, au début du mouvement lent. Mais l’Autrichien
se rattrape par la hauteur de vue de son inspiration dans ce Largo,
dont le climat évocateur est porté par le cor anglais, tandis que le
Scherzo le montre aussi à son avantage, avec une pulsation rythmique des
plus réjouissantes. Enchaîné immédiatement, en un tempo dantesque, le
dernier mouvement soulève quelques murmures dans le public, qui a
manifestement reconnu la mélodie entêtante. Bien qu’assez épais, les
cuivres assurent l’essentiel, tandis que le chef met en valeur le beau
pupitre d’altos, concluant l’ouvrage en majesté, sans ostentation.
Pour son second concert au festival de La Chaise‑Dieu, l’Orchestre
national des Pays de la Loire choisit un programme faisant honneur à la
musique française, plus intimiste que celui du premier (cf ci-dessus). Il débute avec la courte pièce Blue Spine
(2018) de Clara Olivares (née en 1993), au climat morbide. Alors que la
mélodie peine à émerger, des glissandi parcourent les cordes comme
autant de bruitages inquiétants, dignes d’une musique de film d’horreur.
Avec Les Nuits d’été (1841/1856), on retrouve un des
chefs‑d’œuvre les plus aériens et raffinés de Berlioz, ici interprété
par Eva Zaïcik, au timbre chaleureux et velouté, toujours parfaitement
posé. On aimerait certes davantage de prises de risque ici et là, en des
tempi un rien plus allants, mais la mezzo française fascine par ses
phrasés sereins et imperturbables, en un ton toujours très noble.
On retrouve un climat à la légèreté toute mozartienne avec la Symphonie en ut
(1855) de jeunesse de Bizet : encore étudiant avec Halévy, le
compositeur fait montre d’une maîtrise étourdissante de la forme comme
de l’inspiration mélodique. Malgré un début un peu lourd et quelques
cuivres parfois prosaïques, Sascha Goetzel apporte beaucoup de fraîcheur
à son geste toujours réactif. Il donne aussi une coloration populaire
au Trio du Scherzo en accentuant la partie aux altos et violoncelles,
tout en ralentissant le tempo. Comme la veille et malgré les rappels, le
public repart sans bis, sans doute déçu de ce manque de générosité
estivale.
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