Parmi les plus grands succès de la prolifique carrière de Francis Lopez, Le Chanteur de Mexico
(1951), fait un retour remarqué ces dernières années, que ce soit dans
la production de 2020 présentée au théâtre de l’Odéon à Marseille,
fidèle à l’opérette originale, ou dans l’adaptation réalisée en 2006 à Paris, puis reprise en 2017
à Lausanne. C’est précisément sur cette dernière réduction que se fonde
le spectacle mis en scène par Paul‑Emile Fourny (également auteur des
nouveaux dialogues avec Pénélope Bergeret et Gilles Vajou), qui réduit
considérablement la partie théâtrale pour lui palier un comique de
répétition proche de la malice bon enfant d’Hergé : nom étranger
écorché, assistante imbuvable, technicien bègue, etc. Il serait plus
juste de renommer le spectacle « Un Chanteur de Mexico », tant
les puristes pourraient tiquer sur les nombreux changements opérés, mais
ne boudons pas notre plaisir : en dehors de cette réserve, il s’agit
bien du meilleur spectacle d’opérette vu ces dernières années !
Quelle est la recette de ce succès ? On est frappé d’emblée par le
festival de couleurs des décors et costumes élaborés respectivement par
Hernán Penuela et Giovanna Fiorentini, d’une folle virtuosité. On aime
aussi l’énergie et la présence bien dosée des danseurs, toujours en
soutien de l’action pour animer le plateau. Mais c’est surtout la
musique de Lopez qui surprend par son imagination ébouriffante, passant
des rythmes chaloupés gorgés de bonne humeur aux ambiances populaires
basques (dont il était originaire, à l’instar de Luis Mariano, créateur
emblématique du rôle‑titre), avant d’enchanter plus encore en seconde
partie par la palette sonore déployée pour imager le Mexique. Lopez fait
vivre sa carte postale d’une variété d’atmosphères revigorante, mêlant
jazz, tango et autres danses de son temps à des morceaux plus
classiques, souvent augmentés d’instruments réputés peu « nobles »
(castagnette, accordéon...). Le sens de l’à‑propos situationnel force
l’admiration, à l’instar de l’inspiration mélodique quasi inépuisable,
aux facilités volontairement gaillardes ici et là. La surprise vient de
la fosse où le jeune chef Victor Rouanet (25 ans), déjà entendu ici même
l’an passé dans Le Monde de la lune de Haydn, se régale de cette
musique en une baguette vibrante et haute en couleurs, toujours
admirable de souplesse. On espère entendre à nouveau très vite cet
ancien élève d’Alain Altinoglu, très généreux au moment des saluts en
reprenant les principaux tubes de l’opérette.
Des saluts encouragés par une salle que l’on a rarement vu aussi
enthousiaste, tandis que le rôle‑titre tenu par Amadi Lagha (Vincent) se
plie au jeu des reprises de la chanson « Mexico » et de ses périlleuses
saillies en voix de tête, en se faisant aider de la salle, pour le
moins ravie. Le ténor franco‑tunisien fait valoir une émission puissante
en pleine voix, entre longueur de souffle et phrasés admirables de
subtilité, ne forçant jamais le trait d’un excès de brio. Si l’accent
parlé rappelle parfois Enrico Macias, le chant est quant à lui moins
convaincant dans les piani, mais reste toujours d’une générosité
communicative sur le reste de la tessiture. A ses côtés, Perrine Madoeuf
(Eva) compense une projection plus modeste par une musicalité
délicieuse de souplesse aérienne, d’une tenue de ligne techniquement
parfaite. Seule la composition d’une « titi parisienne » pourrait
trouver davantage de mordant au niveau interprétatif, même s’il faut
reconnaître que la réduction des dialogues n’aide pas à faire vivre
pleinement ce personnage. Réduit à portion congrue, le rôle de Bilou
trouve en Régis Mengus un interprète toujours aussi savoureux, aux
graves splendides d’articulation. Si le tempérament d’Apolline Hachler
(Cricri) donne beaucoup de piquant à son rôle de diva, on aime plus
encore la folle roublardise de Gilles Vajou (Cartoni), finalement
touchant en vieux beau éternellement éconduit.
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
samedi 21 décembre 2024
« Le Chanteur de Mexico » de Francis Lopez - Paul‑Emile Fourny - Opéra de Metz - 20/12/2024
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