William Christie n’aurait sans doute pas pu rêver meilleure production pour fêter son 80e anniversaire en public : on sort de ce spectacle avec des étoiles plein les yeux, aussi ébloui par la musique de Rameau (parmi ses plus grandes réussites) que le plateau vocal de haute qualité, sans parler de la mise en scène inventive de Robert Carsen.
Moins connu que le premier opéra-ballet Les Indes galantes composé quatre ans plus tôt en 1735, Les Fêtes d’Hébé
se situent pourtant au même niveau d’inspiration musicale, tant Rameau
fait valoir une inventivité étourdissante de verve, tant au niveau de
l’orchestration haute en couleurs que des mélodies sans cesse
renouvelées.
Cette réussite repose avant tout sur l’alternance virtuose entre airs,
duos, chœurs et passages orchestraux prévus pour la danse, qui donne une
grande variété à l’ensemble. Comme souvent pour les opéras-ballets, le
prologue et les trois entrées indépendantes ne présentent qu’un semblant
d’intrigue, permettant aux auditeurs de l’époque d’aller et venir dans
le théâtre sans avoir à suivre le détail des péripéties.
C’est peu dire que Robert Carsen se joue de la faiblesse du livret, sans
modifier une seule ligne du texte. Sa transposition contemporaine nous
plonge d’emblée sous les ors de l’Elysée, où la serveuse Hébé est virée
après avoir renversée un verre sur... Brigitte Macron ! Cette idée
audacieuse se tient parfaitement, grâce aux références à Jupiter et à la
Seine, tout en offrant plusieurs saynètes drôlissimes et décalées,
puisées dans la récente parenthèse heureuse des Jeux Olympiques, entre
moquerie pour les superficialités contemporaines (dont l’addiction de la
jeune génération aux selfies) et hommage sincère aux forces policières
et aux champions sportifs.
La dernière est sans doute l’une des plus savoureuses, avec ses atmosphères nocturnes colorées d’instruments aussi insolites que la musette. Enfin, Carsen fait valoir ses qualités habituelles de direction d’acteur, notamment pour les choristes dotés d’une individualité propre dans leur gestuelle, tandis que l’exiguïté de la scène est compensée par une utilisation astucieuse mais jamais excessive de la vidéo en arrière-scène.
Aux côtés du chœur tour à tour investi et précis des Arts Florissants, Lea Desandre enchante le spectacle de sa présence toute de fraîcheur lumineuse, entre agilité d’articulation, facilité de projection et prononciation parfaite. On aime aussi le brio et les graves mordants d’Emmanuelle de Negri, souvent présente sur scène comme une maîtresse de cérémonie, afin de donner davantage de présence physique à Hébé.
Ana Vieira Leite apporte aussi beaucoup de plaisir par son naturel confondant, de même que les phrasés aériens du superlatif Marc Mauillon, très applaudi en fin de représentation. Tous les seconds rôles emportent l’adhésion, portés par un William Christie déchainé dans la fosse et manifestement très heureux de partager l’enthousiasme collectif sur scène, à l’issue du spectacle.
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