Créée voilà déjà vingt ans, l’Académie du Jardin des Voix fait désormais
partie du paysage lyrique, tant elle atteint son but : donner à ses
jeunes membres, triés sur le volet, une expérience de tout premier plan
avec l’un des meilleurs ensembles baroques actuels, en une vaste tournée
mondiale dont beaucoup n’oserait rêver. On reste également sans voix
devant le flair de William Christie et Paul Agnew (co-directeurs qui se
partagent l’agenda des concerts), qui peuvent s’enorgueillir d’avoir
recruté tant de noms désormais familiers : Marc Mauillon, Judith Van
Wanroij, Sonya Yoncheva, Emmanuelle de Negri, Reinoud Van Mechelen ou
Lea Desandre, entre autres.
A Nantes, le public ne s’y est pas trompé, venant en nombre au Théâtre
Graslin pour fêter la nouvelle promotion, précédée d’une réputation
flatteuse : on n’en attendait pas moins pour mettre en valeur l’un des
bijoux méconnus de Haendel, Partenope (1730). Cet ouvrage
passionnant par sa variété d’inspiration et de climats offre une
dernière partie plus réussie encore, notamment pour Arsace et son air de
bravoure d’une redoutable virtuosité, mais aussi son air d’imploration
des plus bouleversants. Seul le livret gâche quelque peu la fête, avec
son exploration redondante des jeux de l’amour et du hasard, dont se
saisit avec une malice non dénuée d’élégance la mise en espace de Sophie
Daneman. La soprano britannique, partenaire de longue date de William
Christie, joue la carte d’un décor minimaliste et astucieux, composé de
dalles de couleurs réparties au‑devant de l’orchestre et sur les côtés
en hauteur, donnant ainsi un peu de volume à l’ensemble. Grimés en tenue
de soirée contemporaine, les chanteurs semblent tout droit sortis d’un
rallye dansant versaillais, tout en s’amusant des quelques éléments de
décors (notamment d’immenses dés en mousse) au gré de l’action, en forme
de jeu d’échecs.
Hugh Cutting |
Le principal attrait de la soirée revient toutefois au plateau vocal
d’un excellent niveau global, dominé par l’impressionnant Arsace d’Hugh
Cutting. On aura rarement entendu une telle maturité chez un jeune
chanteur, qui a sans doute présidé à l’attribution du prix Kathleen
Ferrier l’an passé : c’est la première fois qu’un contre‑ténor obtient
cette récompense. On comprend pourquoi, tant le chanteur anglais
maîtrise son instrument avec un sens du velouté et de l’articulation,
toujours au service d’une interprétation lumineuse du texte. A ses
côtés, Ana Vieira Leite (Partenope) n’est pas en reste dans la prestance
attendue, autour d’une belle aisance sur toute la tessiture (hormis le
suraigu en puissance qui manque parfois de substance). Doté d’une
projection moindre, Alberto Miguélez Rouco (Armindo) fait valoir une
musicalité raffinée, qui sculpte les mots sans ostentation. Il est moins
à l’aise dans les passages virtuoses, où les accélérations mettent à
mal sa technique, notamment dans la nécessaire prononciation.
En comparaison, Helen Charlston (Rosmira, Eurimene) parait plus solide
au niveau dramatique, autant par ses intonations saisissantes de vérité
dans la fureur que touchantes au moment de l’apaisement. Son timbre
grave chaleureux, bien articulé, donne aussi beaucoup de plaisir, à
l’instar du solide et engagé Ormonte de Matthieu Walendzik. On
mentionnera enfin le tout aussi investi Jacob Lawrence (Emilio), qui
porte un chant expressif au service de la théâtralité, malheureusement
un rien en force dans l’émission, ici ou là.
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