Heureux Toulousains ! Avec la Halle aux grains, les habitants de la
« ville rose » disposent de l’une des salles de concert parmi les
meilleures de France pour son acoustique, très précise et détaillée,
mais aussi par la proximité avec les artistes, très appréciable.
L’assistance nombreuse démontre combien le public a retrouvé ses
habitudes sociales, laissant derrière lui les incertitudes de la
pandémie pour fêter Mozart et Bruckner. Suite à l’absence inattendue de
la brochure (pour cause de « problème technique »), une part non
négligeable de l’assistance se tourne vers les ouvreurs pour connaître
l’affiche du jour, démontrant ainsi la confiance des habitués dans la
qualité de la programmation.
Ils n’ont pas tort, tant le choix du sous‑estimé chef allemand Frank
Beermann (né en 1965) s’impose comme une évidence, après ses brillants
succès lyriques in loco, de Parsifal en 2020 à Elektra en 2021.
Le programme 100 % autrichien lui permet de mettre en avant, sans
ostentation aucune, les différentes facettes de son talent, de la grâce
mozartienne aux rivages torturés des états d’âme brucknériens. La
constance sans faille dans la volonté d’allégement de la masse
orchestrale constitue un atout de choix pour donner à David Fray (né en
1981) un écrin de raffinement en parfaite harmonie avec son toucher
aérien et minimaliste. La mise en retrait volontaire du pianiste
français donne l’impression d’entendre davantage une symphonie
concertante qu’un concerto proprement dit, mais on s’habitue peu à peu à
cette conception qui évoque les sonorités plus discrètes offertes par
le pianoforte, parfois choisi pour cet ouvrage. On préfère toutefois les
cadences ou le mouvement lent, où le pianiste peut davantage laisser
libre cours à ses phrasés en apesanteur, frôlant toutefois la
nonchalance, le tout sans pathos. En bis, Bach permet de constater
combien l’interprète est plus à l’aise en solo, imposant sans peine un
ton toujours très personnel.
Apres l’entracte, la Septième Symphonie (1883) de Bruckner est
interprétée dans la version Nowak (1954), reconnaissable au coup de
cymbales donné dans l’Adagio. Frank Beermann surprend d’emblée par son
étonnante douceur de phrasé, apportant un soin particulier aux
transitions : les tempi assez lents sont habités d’un sens narratif
millimétré, porté par les couleurs d’un orchestre très en verve. La
respiration harmonieuse fait ressortir chaque détail, avec un luxe de
nuances et de silences habités. Aucune déflagration ne viendra réveiller
le mélomane distrait : Beerman refuse tout spectaculaire, mais aussi
tout pathos, pour privilégier le recueillement et la concentration, sans
jamais tomber dans le sinistre pour autant. Cet art tout en retenue
donne une hauteur de vue passionnante tout du long, même si les amateurs
d’un Bruckner à l’émotion à fleur de peau pourront être déçus par cette
conception plus intellectuelle.
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
dimanche 24 avril 2022
Concert de l'Orchestre national du Capitole de Toulouse - Frank Beermann - Halle aux grains à Toulouse - 23/04/2022
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