Souvent proposée en version de concert, l’opérette comique Candide
(1956, ici donnée dans sa version révisée en 1989) a connu une création
tardive en France, à Saint‑Etienne en 1995, avant que le Théâtre du
Châtelet ne fête en 2006,
dans une mise en scène inventive de Robert Carsen, le cinquantenaire de
la création de l’ouvrage. Si le spectacle parisien avait adapté les
dialogues, celui proposé à Lyon va plus loin encore en les supprimant
totalement pour leur préférer des aphorismes résumant la pensée
philosophique voltairienne. Sans temps morts, le spectacle enchaîne
ainsi les numéros musicaux avec de brèves interventions du narrateur, en
mettant au second plan la lisibilité de la fable et sa succession de
péripéties en forme de récit d’apprentissage. L’acceptation d’un tel
parti pris, qui n’aide pas la compréhension globale pour le spectateur
peu familier de l’ouvrage, peut surprendre de la part du directeur de
l’Opéra de Lyon, Richard Brunel, pourtant venu du théâtre. Peu de temps
après une controversée Belle au bois dormant avec les mêmes défauts,
on s’interroge sur cette tendance à l’appauvrissement des ouvrages,
contestable autant sur le principe qu’au regard des résultats obtenus.
Que penser, en effet, de la mise en scène illustrative et
interchangeable de Daniel Fish, si ce n’est qu’elle n’apporte rien à la
compréhension du livret ? Le problème n’est pas tant de supprimer
l’ensemble des éléments de décors pour laisser évoluer les protagonistes
sur le plateau nu, mais bien de proposer une déambulation sans but
apparent, dont seules les mimiques alambiquées des danseurs provoquent
quelques (rares) rires dans le public. Si l’on se désintéresse
rapidement de ce travail paresseux (et copieusement hué en fin de
représentation), qui ressemble davantage à une banale mise en espace
agrémentée de mouvements chorégraphiés, le plaisir vient de l’exécution
musicale, menée de main de maître par l’un des grands spécialistes de ce
répertoire, le Britannique Wayne Marshall. L’ancien chef principal du Funkhausorchester
de la WDR de Cologne (un des derniers ensembles allemands dédié à la
musique « légère »), entre 2014 et 2020, embrase les troupes locales dès
les premières notes de la célébrissime ouverture : on ne peut que
rendre les armes devant son sens du swing et de l’élan narratif, en un
geste vif et cinglant qui distingue parfaitement la clarté des plans
sonores. Les admirateurs de ce génial trublion ne manqueront pas de le
retrouver pour le concert du Nouvel An à Lyon, « Un Réveillon à
Broadway ».
Malgré la proposition scénique décevante, il faut courir découvrir ce chef‑d’œuvre pétillant d’invention de Bernstein, qui fouille sa partition en hommage à l’héritage européen – de Kurt Weill à Honegger. De quoi découvrir une musique toujours accessible, mais plus ambitieuse que le bien connu West Side Story (1957).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire