Retenez bien le nom de Charles‑Hubert Gervais (1671‑1744) : sa musique
est probablement l’une des grandes redécouvertes de ces dernières
années, initiée voilà trois ans avec l’enregistrement de son plus
célèbre opéra Hypermnestre (1717), déjà avec les forces
conjointes de Győrgy Vashegyi et du Centre de musique baroque de
Versailles (CMBV). L’intérêt pour l’un des compositeurs français les
plus éminents du début du XVIIIe siècle trouve son origine
dans l’éclairage donné pour la figure de Philippe d’Orléans, régent du
royaume de France entre 1715 et 1723 et grand protecteur des arts, dont
la musique de Gervais. On ne pourra ainsi que vivement conseiller la
série de huit podcasts (dont trois réservés au public junior), créée en
partenariat entre le CMBV, France Musique, la Comédie-Française et le
Château de Versailles, afin de découvrir plus avant cette période
méconnue (si l’on excepte en 1975, le film de Bertrand Tavernier, Que la fête commence..., et sa triade d’acteurs inoubliables, Noiret, Rochefort et Marielle).
Indissociable de la figure du Régent, qui lui fait gravir un à un les
échelons à ses côtés, Charles‑Hubert Gervais s’est d’abord illustré
exclusivement dans le domaine de l’opéra (aidant probablement le Régent
dans sa propre initiative en ce domaine), avant d’embrasser la charge de
sous‑maître de la chapelle de Louis XV, de 1723 jusqu’à sa mort,
dédiant ainsi son inspiration à la musique religieuse. C’est précisément
à cette partie de la carrière de Gervais, souvent mésestimée, que
s’intéresse le présent disque. Hormis le Te Deum composé vers
1721, toutes les œuvres religieuses de Gervais ont été composées après
1723, sans qu’il soit possible de les dater précisément, faute de
sources. Pour la composition de ses grands motets, Gervais se fond dans
le moule magnifié par Richard de Lalande, tout en allégeant la pâte
orchestrale et en faisant valoir ses talents de coloriste.
Son art de conjuguer don mélodique et situation dramatique s’impose dès l’introduction lente du psaume Exaudi Deus, d’une hauteur d’inspiration sensible et sans ostentation. L’hymne O filii et filiæ
laisse entrevoir davantage de ferveur joyeuse, notamment par la
virtuosité plus italienne des parties solistes. La musique de Gervais
reste toujours d’une fluidité d’un naturel confondant, particulièrement
dans l’intégration du chœur, souvent sollicité (parfait Chœur Purcell,
d’une intensité toujours à propos). Plus imposant, le Te Deum
recourt comme il se doit aux trompettes et timbales, concluant le disque
en majesté. Outre la direction éloquente de Győrgy Vashegyi,
l’enregistrement bénéficie d’un plateau vocal d’exception, dominé par
les toujours expressifs Cyrille Dubois et Mathias Vidal, idéalement dans
leur tessiture ici. De quoi faire de ce disque une des premières
sensations de ce début d’année.
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
lundi 16 janvier 2023
« Grands Motets » de Charles-Hubert Gervais - Győrgy Vashegyi - Disque Glossa
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