Fondé en 1991 par le claveciniste Christophe Rousset, l’orchestre sur
instruments d’époque Les Talens lyriques (du nom de l’un des plus fameux
opéras‑ballets de Rameau) n’en finit plus de fêter son trentième
anniversaire, s’offrant pour ce début d’année une intégrale des
symphonies de Schubert dans l’une des plus belles salles parisiennes, le
Théâtre du Châtelet. Plus connu en tant que défenseur du répertoire
baroque et classique jusqu’à Salieri (voir notamment son disque consacré
à Tarare), Rousset et son ensemble se sont autorisés quelques rares incursions dans le répertoire du XIXe siècle, notamment une inattendue version originale du Faust de Gounod en 2019.
On le retrouve cette fois avec le plus fameux élève de Salieri, pour
trois soirées dédiées à Schubert. Le concert débute avec l’une des
symphonies les moins connues de son auteur, la Sixième (1818),
que Schubert n’entendit pas de son vivant, à l’instar des autres. Cet
ouvrage choisi pour honorer Schubert peu après sa mort prématurée, à
seulement 31 ans, apparaît d’emblée déroutant par son aspect séquentiel,
où l’auteur semble à la recherche d’un nouveau style pour se démarquer
des influences de Haydn et Mozart. L’impression de robustesse qui se
dégage des accords martelés aux cuivres, plus grasseyants à l’oreille du
fait des instruments d’époque ici privilégiés, alterne avec des
passages plus aériens aux vents, dignes de Rossini. Christophe Rousset
donne beaucoup de vitalité à l’ensemble – une constante de la soirée –,
en allégeant ostensiblement la masse orchestrale et en évitant tout
vibrato « romantique ». La verdeur des bois surprend au début, de même
qu’une impression de déséquilibre avantageant les cordes, lorsqu’on est
placé à l’orchestre. Après l’entracte, un opportun changement de place
en corbeille confirme que l’acoustique y sonne moins sec, même si on se
sent moins au cœur de la musique, du fait de l’éloignement.
La Deuxième (1815) fait entendre un Schubert volontiers plus
efficace dans sa reprise du moule classique de la symphonie viennoise
héritée de Haydn, lui empruntant autant son introduction lente
majestueuse que son développement fondé sur de vives oppositions entre
pupitres. Chants et contrechants s’affrontent en un sens de la tension
qui privilégie les attaques sèches, sans jamais oublier la mélodie.
Fluide et naturel, le début de la symphonie est un régal de plaisir
immédiat, même si le Finale montre une inspiration moindre avec son
thème hésitant et sa mélodie moins inspirée, malgré une énergie
rythmique toujours aussi jouissive.
Après l’entracte, Christophe Rousset nous régale de la Quatrième (1816), dont l’élan saisit d’emblée, faisant valoir là aussi son côté immédiat, à l’instar de la Deuxième.
La mélodie entêtante principale, répétée à l’envi, étourdit par son
efficacité, tandis que le mouvement lent qui suit contraste par sa
sérénité et le jeu sur les nuances pianissimo voulues par
Rousset. La symphonie se conclut dans la frénésie électrisante de son
Finale, très réussi sous la baguette nerveuse du chef français. A
l’issue des applaudissements, il se tourne malicieusement vers le public
pour lui signifier que les autres concerts feront office de bis ! Point
d’extrait de la musique de scène de Rosamonde (1823) ni l’une des rares Ouvertures dans le style italien (contemporaines de la Sixième Symphonie), à moins qu’une surprise ne soit réservée pour le concert conclusif, mardi prochain ?
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