samedi 28 octobre 2023

« Ivan le terrible » de Serge Prokofiev - Opéra d'Olomouc - 24/10/2023

Ancienne capitale de Moravie aujourd’hui détrônée par sa voisine Brno, la ville d’Olomouc conserve de nombreux atouts, au premier rang desquels son patrimoine religieux important, de même que la vitalité de ses nombreuses universités. Avec le Théâtre morave d’Olomouc, la vie culturelle locale peut aussi s’enorgueillir de l’une des institutions parmi les plus renommées du pays, qui dispose de pas moins de trois troupes permanentes d’artistes (comédiens, chanteurs et danseurs), ainsi que de son propre orchestre.

De quoi expliquer l’excellent niveau de la production d’Ivan le terrible (1944) de Prokofiev, immédiatement perceptible dès le lever de rideau. Créé en 2002 à Brno, puis repris en 2008 à Bratislava, par l’ancien danseur de premier plan Libor Vaculík, ce spectacle trouve son origine dans l’adaptation réalisée par l’incontournable chorégraphe russe Yuri Grigorovich (directeur artistique du Bolchoï de 1964 à 1995), d’après la musique du film composée pour Eisenstein. Un nouvel assemblage des extraits musicaux, ainsi qu’un livret recentré sur les personnages principaux (Ivan IV, son épouse Anastasie et leurs rivaux), ont permis la recréation de ce spectacle haut en couleur, à l’élan classique (pointes, envolées et nombreux portés) modernisé par une intense fluidité des mouvements et toujours en lien avec les moindres inflexions musicales. Au plus près des intentions narratives, la direction d’acteur constitue la grande force du spectacle, interprétée avec engagement par le moindre second rôle (pour une vingtaine de danseurs au total). Seule la seconde partie, après l’entracte, déçoit quelque peu par l’emploi redondant des mêmes extraits musicaux (préalablement enregistrés et diffusés via une sonorisation trop uniforme), aux transitions répétitives aux percussions (surtout les cloches), tandis que l’alternance entre les morceaux donne parfois l’impression d’un collage un peu artificiel.


Malgré ces quelques faiblesses, le spectacle se montre réjouissant, tout d’abord par la qualité de la musique de Prokofiev, grand maître des variations d’atmosphère et toujours aussi impressionnant par sa capacité à convoquer toutes les ressources de l’orchestre, d’une richesse de coloris tour à tour emphatique et délicatement émouvante. On aime aussi l’emploi des matériaux populaires ou des rudesses dans les graves, rappelant l’influence de Moussorgski. Au niveau visuel, outre la qualité des éclairages très variés, le spectacle bénéficie d’une scénographie évoquant subtilement la Russie ancienne par quelques éléments symboliques, jamais ostentatoires. Mais c’est surtout la qualité de la troupe de danseurs réunis qui impressionne tout du long, entre le brio athlétique et dramatique du Français Aurélien Jeandot (Ivan), ou encore la délicatesse d’interprétation des deux rôles féminins principaux. De quoi inciter à fréquenter les théâtres tchèques bien au‑delà de ceux, déjà très renommés, de Prague.

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