Il est difficile de parler de la musique de Viktor Ullmann (1898‑1944)
sans évoquer sa fin tragique dans les camps nazis, de Terezín (au nord
de Prague) à Auschwitz (à l’ouest de Cracovie). C’est précisément à
Terezín qu’il écrivit et créa son tout dernier ouvrage lyrique, L’Empereur d’Atlantis
(1944), afin de dénoncer les horreurs et l’absurdité de la guerre.
Comment survivre quand le monde devient fou ? Ce court opéra d’une heure
environ, en forme de plaidoyer pour la vie, rappelle les ouvrages de
Kurt Weill avec Brecht, tant la farce féroce sur un dictateur
d’opérette, avide de succès guerrier, fait froid dans le dos. L’ironie y
tient pourtant une place décisive, en imaginant la mort lassée d’un
travail devenu ubuesque, et refusant d’accéder à sa tâche.
L’instrumentation allégée, pour une quinzaine d’instruments, est un
délice d’invention et de brio rythmique, brossant le caractère des
différents personnages en une variété de coloris toujours éloquente.
L’ancien élève de Schoenberg n’a pas son pareil pour entremêler
différentes influences, du burlesque forain à l’esprit populaire des
danses satiriques, tout en donnant à l’Empereur (double évident du
Führer) une musique plus déstructurée, aux sonorités morbides (dont un
inattendu orgue). De quoi continuer à faire découvrir au plus grand
nombre cet ouvrage de premier plan, qui a connu une notoriété méritée en
France grâce à la tournée de la production de l’Arcal en 2015.
A Ostrava (située à une vingtaine de kilomètres seulement de la ville natale d’Ullmann), la production du metteur en scène tchèque Rocc se joue habilement des variations d’atmosphère en proposant un espace d’abord réduit par le rideau de scène, afin de mettre en relief les allusions des différents personnages allégoriques : le contraste n’en est que plus saisissant lors de l’apparition de l’Empereur (dont la faiblesse est soulignée par l’usage d’un fauteuil roulant) en un bunker en ruine, aux éclairages savamment distillés. La direction d’acteur dynamique permet à chacun d’exister loin de l’autoritarisme de l’Empereur, comme abandonné à son triste sort. On note aussi quelques parallèles avec l’autre court opéra (d’environ quarante minutes) de Viktor Ullmann donné en première partie de soirée, La Cruche brisée (1942) d’après la pièce éponyme de Heinrich von Kleist. Avec un pommier dévoilé en arrière‑ scène, on retrouve ainsi une allusion à la faute originelle d’Eve, tandis que le juge regrette son prestige antérieur. Des clins d’œil savoureux, à l’instar de la mise en miroir opportune des deux pièces : l’agitation un rien futile qui émane des péripéties de La Cruche brisée est en effet évocatrice de la vitalité de la période de l’entre-deux-guerres (à Berlin notamment), souvent sourde à tous les signaux annonciateurs de la catastrophe à venir. Dans cet ouvrage, les reparties fusent entre les dix personnages, donnant à la pochade un rythme plus saillant, presque pointilliste, là où L’Empereur d’Atlantis laisse davantage de place à l’expressivité.
Tous les chanteurs réunis impressionnent par leur niveau global de bonne qualité, offrant une cohésion d’ensemble révélatrice de leurs habitudes de travail en troupe – Ostrava ayant conservé la pratique du théâtre de répertoire, à l’instar de ses équivalents en Allemagne. Boris Prýgl se détache de la distribution par son timbre harmonieux, porté par une clarté d’élocution sans défauts, de même que David Nykl, aussi à l’aise au niveau technique que pénétrant au niveau dramatique. Autour de la direction piquante de Jakub Klecker à la tête d’une formation locale engagée, ce spectacle s’avère réjouissant de bout en bout, tout en donnant envie de découvrir plus avant la programmation aussi riche qu’ambitieuse de l’Opéra d’Ostrava.
A Ostrava (située à une vingtaine de kilomètres seulement de la ville natale d’Ullmann), la production du metteur en scène tchèque Rocc se joue habilement des variations d’atmosphère en proposant un espace d’abord réduit par le rideau de scène, afin de mettre en relief les allusions des différents personnages allégoriques : le contraste n’en est que plus saisissant lors de l’apparition de l’Empereur (dont la faiblesse est soulignée par l’usage d’un fauteuil roulant) en un bunker en ruine, aux éclairages savamment distillés. La direction d’acteur dynamique permet à chacun d’exister loin de l’autoritarisme de l’Empereur, comme abandonné à son triste sort. On note aussi quelques parallèles avec l’autre court opéra (d’environ quarante minutes) de Viktor Ullmann donné en première partie de soirée, La Cruche brisée (1942) d’après la pièce éponyme de Heinrich von Kleist. Avec un pommier dévoilé en arrière‑ scène, on retrouve ainsi une allusion à la faute originelle d’Eve, tandis que le juge regrette son prestige antérieur. Des clins d’œil savoureux, à l’instar de la mise en miroir opportune des deux pièces : l’agitation un rien futile qui émane des péripéties de La Cruche brisée est en effet évocatrice de la vitalité de la période de l’entre-deux-guerres (à Berlin notamment), souvent sourde à tous les signaux annonciateurs de la catastrophe à venir. Dans cet ouvrage, les reparties fusent entre les dix personnages, donnant à la pochade un rythme plus saillant, presque pointilliste, là où L’Empereur d’Atlantis laisse davantage de place à l’expressivité.
Tous les chanteurs réunis impressionnent par leur niveau global de bonne qualité, offrant une cohésion d’ensemble révélatrice de leurs habitudes de travail en troupe – Ostrava ayant conservé la pratique du théâtre de répertoire, à l’instar de ses équivalents en Allemagne. Boris Prýgl se détache de la distribution par son timbre harmonieux, porté par une clarté d’élocution sans défauts, de même que David Nykl, aussi à l’aise au niveau technique que pénétrant au niveau dramatique. Autour de la direction piquante de Jakub Klecker à la tête d’une formation locale engagée, ce spectacle s’avère réjouissant de bout en bout, tout en donnant envie de découvrir plus avant la programmation aussi riche qu’ambitieuse de l’Opéra d’Ostrava.
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