Nostalgia, la deuxième partie du diptyque des extraits d’opéras de jeunesse de Verdi, se déroule cette fois quarante ans après la révolution avortée de 1968 : meilleur que le premier volet, ce spectacle plus ramassé reste toutefois en-deça des attentes, du fait de la faiblesse de ses enjeux dramatiques, trop orientés vers le sentimentalisme.
La déception du premier volet venait de son histoire
trop simpliste, centrée sans consistance psychologique sur les
tribulations amoureuses de ses protagonistes. La deuxième poursuit dans
cette optique, en restant à la surface des questions de fond soulevées :
comment affronter une mémoire collective hétérogène ? Comment survivre à
la trahison de ses idéaux ? Comment poursuivre le combat dans une
société de plus en plus individualiste ?
C’est là le principal écueil de ce diptyque qui place avant tout le
plaisir musical de l’exploration de nombreuses raretés, au détriment
d’un récit et de dialogues plus ambitieux. Quarante ans ont ainsi passé
depuis l’attentat suicide provoqué par Laura à la fin de Rivoluzione
: les protagonistes de l’époque évoquent leurs souvenirs divergents sur
les causes de ce drame, tandis que la jeune Virginia recherche son père
parmi eux. Les convictions d’hier ont parfois laissé place aux
compromis et aux désillusions, sur fond de vernissage arty mené par la
maîtresse de cérémonie Donatella, séductrice affairée à la seule
réussite de ses projets.
Le spectacle bénéficie de sa durée plus courte (1h50 sans entracte) en
imposant la concentration sur le huis-clos dans un décor unique. Comme
la veille, les vidéos viennent rythmer le récit en le faisant avancer de
ses révélations un rien aguicheuses, à l’image de la piquante
Donatella, à la langue de vipère acérée. On flirte ainsi plusieurs fois
avec le soap opéra, même si certaines trouvailles (comme le fantôme de
Laura en violoniste soufflant sur les braises de sa vie brisée, en fin
d’opéra) viennent compenser ces quelques facilités.
Le plaisir reste avant tout musical, du fait de la direction toujours aussi inspirée de Carlo Goldstein, attentif autant à l’articulation qu’aux nuances, le tout admirablement coloré par l’Orchestre symphonique de la Monnaie. Là encore, les interprètes féminines dominent, notamment la rescapée de la soirée précédente, Gabriela Legun (Virginia), qu’on aurait souhaité entendre dans un rôle plus développé encore pour se délecter de son brio vocal.
Très investie dans les aspects dramatiques de son rôle, Helena Dix (Donatella) a davantage de matière en comparaison, ce qui lui permet de faire valoir sa diction millimétrée au service du sens. Si la projection un rien modeste par endroit l’empêche de nous étourdir d’un mordant plus solaire, son interprétation toute de malice et d’engagement reste un des grands moments de la soirée. A ses côtés, Scott Hendricks (Carlo) et Giovanni Battista Parodi (Giuseppe) font valoir une conduite de la ligne très sûre, malgré un timbre trop terne pour l’un comme l’autre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire