Le théâtre de la Monnaie de Bruxelles explore les raretés verdiennes des années de galère en construisant deux pasticcios qui peuvent se découvrir indépendamment. Le pari musicologique touche au but, mais la soirée consacrée à Rivoluzione déçoit en raison de sa transposition falote autour des conflits politiques et sociaux du printemps 1968.
Belle idée que de faire découvrir la foisonnante
période de jeunesse (1838-1850) de Verdi, qui compose alors à un rythme
effréné pour asseoir sa réputation au-delà du succès de Nabucco (1842) :
pas moins de seize opéras en grande partie méconnus jalonnent ces temps
difficiles où dépression et doute assaillent régulièrement le
compositeur. Verdi est pourtant déjà au faîte de ses moyens, ce que confirme
l’agencement fluide des morceaux réalisé par le chef Carlo Goldstein.
Pour autant, le choix de conserver le texte original réduit les
possibilités d’une narration plus originale, volontiers détachée des
visées patriotiques, malgré l’idée d’une nouvelle histoire placée dans
les tourments révolutionnaires de 1968.
Confiée à Krystian Lada, ancien dramaturge à la Monnaie, la première soirée appelée Rivoluzione
centre l’action sur quatre étudiants en révolte, auxquels se joint un
jeune ouvrier, bourreau des cœurs : les couples se font et se défont au
gré des manifestations, tout en s’interrogeant sur les formes que doit
prendre la lutte, notamment sur la pertinence du recours à la violence.
Les personnages sont pourtant réduits à de simples caricatures dont on
peine à s’intéresser à l’évolution.
Seul le parcours de Laura vers la radicalisation échappe à cet écueil,
grâce aux nombreuses vidéos dialoguées qui jalonnent la soirée. Pour
autant, on reste déçu par le parti-pris trop consensuel sur la période,
qui passe au second plan les enjeux sociétaux et politiques pour se
concentrer sur les seuls tourments individuels. Dès lors, les
projections de splendides photographies d’archives en noir et blanc,
comme des inventifs slogans de l’époque, apparaissent comme autant de
vignettes charmantes mais superficielles.
Que dire, aussi, de l’adjonction de danseurs de rue, cantonnés aux
mimiques saccadées et au doublonnage hystérique des personnages
principaux ? L’écrin visuel est certes soigné, entre éclairages variés
(contre-jours aveuglants) et ambiances cauchemardesques (scène de délire
de Laura), mais reste assez convenu au niveau de la direction d’acteur
sur 3h15 de spectacle.
Heureusement, le plateau apporte beaucoup de satisfactions,
particulièrement côté féminin. Ainsi de Nino Machaidze, qui donne à sa
Laura toute la puissance de son incarnation, entre timbre corsé et
articulation agile. On aime aussi la Cristina de Gabriela Legun, pas
moins impressionnante d’intentions, entre technique superlative,
longueur de souffle et couleurs. Enea Scala (Carlo) compense une
émission parfois un rien métallique par l’emphase de son engagement en
pleine voix, au lyrisme dramatique débordant.
Justin Hopkins (Lorenzo) s’impose quant à lui par sa solidité sur toute
la tessiture, autour d’une belle résonance, tandis que Vittorio Prato
(Giuseppe) assure bien sa partie, malgré un manque de graves et une
composition parfois trop timide. Outre l’excellence de chœurs très
investis, on se délecte de la direction toute de lisibilité de Carlo
Goldstein, qui exalte les sonorités sans jamais céder au spectaculaire.
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