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| Daniele Gatti |
Désormais directeur musical de la Staatskapelle de Dresde et du festival
annuel du Mai musical florentin, Daniele Gatti n’en oublie pas de se
rappeler au souvenir de ses anciennes troupes, lui qui fut à la tête de
l’Orchestre national de France entre 2008 et 2016. Après le concert
consacré au Requiem allemand de Brahms donné au Théâtre des Champs‑Elysées en début d'année,
on le retrouve cette fois à l’Auditorium de la Maison de la radio et de
la musique pour deux dates, dont la première bénéficie d’une
retransmission en direct sur France Musique.
Face à une salle pleine pour l’événement, Daniele Gatti dirige sans
partition pendant toute la soirée, se penchant régulièrement vers les
cordes pour leur demander d’alléger les textures, tout en jouant sur les
tempi, souvent étirés dans les passages apaisés et plus affirmés dans
les verticalités. Dès les premières mesures de l’ouverture Le Carnaval romain
(1844) de Berlioz, la volonté de jouer sur les nuances est patente, ce
qui permet de mettre en valeur les solistes (ici le superbe cor anglais
de Laurent Decker, très applaudi en fin de concert par le public) face à
des cordes quasiment en sourdine. Le raffinement des textures qui en
résulte permet des dialogues splendides entre les pupitres, notamment
altos et cors, avec quelques échos espiègles des vents. Les tutti sont
plus martelés en comparaison, ce qui permet à la mélodie principale
(plusieurs fois répétée en fin d’ouverture) de s’imprimer durablement
dans les esprits.
Le nombre de musiciens se réduit sensiblement avec la Quatrième Symphonie (1833) de Mendelssohn : Gatti poursuit dans sa volonté de révéler des détails inattendus dans les piani,
en un son volontairement mécanique aux cordes, sans vibrato. Tout le
brillant et l’urgence souvent audibles dans cet ouvrage sont ici gommés
au profit d’une vision plus intellectuelle, privée de pathos. La mélodie
murmurée aux cordes dans l’Andante con moto poursuit cette
optique chambriste, comme de la dentelle, ce qui met en avant quelques
scansions dévolues aux contrebasses. Le chef milanais joue encore sur le
ralentissement du tempo dans le Con moto moderato qui suit, en privilégiant une myriade délicieuse de nuances dans les piani. Enfin, le Presto
conclusif étonne par son brio sans ostentation, un rien trop sage par
endroits. Les cordes effleurent à peine leur archet en des passages
comme suspendus, avant une fin plus orageuse mais toujours esthétique.
Après l’entracte, on retrouve des effectifs plus fournis pour les deux ouvrages les plus fameux de Respighi, Les Fontaines de Rome (1917) et Les Pins de Rome
(1924). Point d’ivresse sonore ici, on s’en doute, mais la volonté de
faire ressortir toutes les influences de ces bijoux de contrastes
orchestraux : des effluves orientalistes traversent ainsi brièvement le
début des Fontaines, lancé par le cor anglais et le hautbois,
avant qu’un raffinement plus impressionniste n’irrigue tous les
pupitres, tous gorgés de couleurs lumineuses. Entre parti pris
analytique et ambiance évanescente, l’introduction des Fontaines
est ensuite interrompue par des effets de contraste volontairement
grotesques aux cuivres, qui rappellent Dukas. Gatti est toutefois plus
décevant ici, en ce qu’il s’intéresse peu à l’architecture et à l’unité
du discours d’ensemble, semblant se complaire dans les multiples
digressions de la narration. Les tutti plus straussiens ont ainsi
davantage de mal à s’insérer, ce qui donne une impression de collage
maladroit.
Avec les Pins, le début plus scintillant et vertical met en
valeur le brio des percussions et des cuivres, face à des cordes
toujours volontairement tenues au second plan. L’extraversion colorée de
Respighi se régale de tempi plus vifs, avant une transition dissonante
aux cuivres, proche de Varèse. La partie apaisée qui suit, ralentie à
outrance par le geste sans nerfs de Gatti, trouve une ambiance aussi
trouble que statique. Les solos de trompette (venus des coulisses) ou de
clarinette n’en ressortent que davantage, annonçant le néoclassicisme
des ballets de Copland. Ensuite, le jeu sur les timbres au célesta et
aux premiers violons apporte un visage plus moderne, aux ambiguïtés
tonales. La fin de l’ouvrage plus spectaculaire se montre réussie, tant
Gatti ne cherche pas à faire d’effets inattendus, si ce n’est l’opportun
placement de plusieurs cuivres parmi le public : de quoi offrir une
expérience bienvenue en termes de spatialisation sonore, à même de
mettre en valeur cette fanfare grandiose.

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