Parmi les événements de la saison en Suisse, Le Petit Barbier de Lavapiès
(1874) de Barbieri fait son entrée au répertoire du Théâtre de Bâle :
il s’agit de la première zarzuela à être jouée dans l’une des grandes
institutions lyriques du pays, qui fait suite à la coproduction
organisée avec Madrid et Oviedo – à savoir les deux cités les plus
engagées en Espagne pour promouvoir ce répertoire. Le chef d’œuvre de
Barbieri reste régulièrement monté dans la péninsule ibérique, comme en
atteste une production madrilène du Teatro de la Zarzuela en 2019.
On ne peut que se réjouir de la diffusion plus large de cet ouvrage
délicieusement enjoué, proche de l’esprit de l’opéra‑comique français
par son alternance de passages chantés et parlés, auxquels s’ajoutent
des couleurs savoureuses, du fait de l’incorporation de plusieurs danses
locales (seguidilla, fandango, etc).
Le Théâtre de Bâle a choisi de monter l’ouvrage en langue originale avec
surtitres en allemand et en anglais, tout en engageant des interprètes
hispanophones pour les rôles principaux. C’est là une exception notable à
son fonctionnement habituel, qui privilégie les chanteurs de sa troupe
permanente, à l’instar de ses équivalents germanophones habitués au
modèle du « théâtre de répertoire ». Si la présence de l’Orchestre
symphonique de Bâle a été conservée pour l’ensemble des représentations,
il a été fait appel à un chef venu des Asturies pour l’occasion, en la
personne de Julio César Picos Sol. On regrette toutefois que ce dernier
ne joue trop la carte d’une rythmique exacerbée, avec des cuivres
particulièrement sonores : de quoi perdre en raffinement et en nuances
ce que l’on gagne en vitalité. De la même manière, le Chœur du Théâtre
de Bâle officie pour ce spectacle, en ayant bénéficié des conseils d’un
coach espagnol au préalable, ce qui est audible au vu de l’excellent
résultat obtenu.
Le plateau vocal réuni apporte également beaucoup de satisfactions, au
premier rang desquelles le niveau homogène des seconds rôles, ainsi que
la prestation de Carmen Artaza (Paloma), en véritable rayon de soleil de
la soirée. La mezzo fait valoir une émission souple et naturelle sur
toute la tessiture, tout autant qu’un timbre profond et chaleureux, à
même de faire vivre son personnage de comploteuse d’opérette. Dans le
rôle‑titre, David Oller en fait des tonnes dans la caractérisation
populaire, ce qui peut fatiguer sur la durée, à l’instar de sa
propension à privilégier le registre forte. On lui préfère le solide
Santiago Sánchez (Don Luis) ou l’énergique Cristina Toledo (Estrella),
malgré une émission un peu étroite.
Fidèle à ses partis pris esthétiques, Christof Loy joue la carte de
l’épure en une scénographie immaculée, dont le blanc crème est revisitée
par des éclairages vivifiants, à même d’évoquer la chaleur
méditerranéenne. Si les costumes tout aussi minimalistes et stylisés
cherchent à évacuer les images de carte postale habituellement véhiculés
dans les spectacles plus traditionnels, on retrouve l’esprit ibérique
dans les chorégraphies endiablées de Javier Pérez, d’une belle tenue. En
dehors de ces propositions visuelles bien réglées, le spectacle peine
toutefois à surprendre par des idées innovantes, au-delà de quelques
ajouts humoristiques au début, pour moquer les différences de
compréhension linguistique entre le couple Paloma/Barbier. On ressort de
la salle avec un goût d’inachevé, d’autant plus amer que public bâlois
fait un triomphe chaleureux à la production – sans doute conquis par ce
moment de bonne humeur et de vitalité d’ensemble.


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