samedi 22 novembre 2025

« Un Chapeau de paille de Florence » de Nino Rota - Damiano Michieletto - Opéra royal de Wallonie à Liège - 21/11/2025

Si le nom de Nino Rota reste associé pour l’éternité aux films de Fellini, Visconti ou Coppola, son legs musical prolifique mérite d’être exploré bien au-delà : pour preuve, son chef d’oeuvre lyrique Un Chapeau de paille de Florence enchante le public de l’Opéra Royal de Wallonie par son allégresse piquante et tourbillonnante, et ce malgré une mise en scène inégale de Damiano Michieletto, qui trouve une meilleure expression en deuxième partie de soirée.

Donné pour la première fois à l’Opéra Royal de Wallonie, Un Chapeau de paille de Florence fait partie de ces ouvrages délicieux pas tout à fait installés au répertoire, mais que l’on découvre ou redécouvre avec un plaisir toujours gourmand à chaque fois. Plusieurs productions récentes, à Milan ou à Bordeaux, ont démontré le potentiel irrésistible de son livret, adapté d’Eugène Labiche : le récit rocambolesque imaginé par le maitre du vaudeville lorgne du côté de l’absurde, faisant plusieurs fois penser au Nez de Chostakovitch par sa critique sociale acerbe. Avec Rota, la dénonciation des faux semblants bourgeois liés au devoir conjugal fait mouche, même si la scénographie épurée de Damiano Michieletto ne permet pas de bien saisir tous les gags au I, notamment ceux liés à la crédulité inépuisable du père de la mariée.

On regrette aussi que les costumes lissent par trop les antagonismes sociaux entre bourgeois et aristocrates, pourtant au coeur de l’intrigue. Michieletto préfère plonger les interprètes au coeur d’un plateau épuré, constitué de portes et d’un immense damier éclairé comme un dance floor. L’agencement à vue des cloisons comme la destructuration des perspectives permettent de prendre de la distance avec la farce, mais reste trop intellectuel pour vraiment convaincre au I. Après l’entracte, le récit s’anime pour donner davantage de consistance à cette proposition minimaliste, qui repose sur la seule direction d’acteur, très affutée comme toujours chez Michieletto.

Autre motif de déception, la direction peu imaginative de Leonardo Sini (né en 1990), qui peine à rendre justice au brio et à la coloration irrésistible de l’orchestration de Rota, en adoptant des tempi trop uniformes, sans respiration. Le chef italien ne manque pourtant pas de qualités dans les scènes de frénésie, d’une parfaite mise en place, mais il lui manque une attention plus prononcée à la narration théâtrale, indispensable dans ce répertoire. Le plateau vocal montre en revanche une tenue exceptionnelle, malgré quelques réserves concernant le rôle principal, interprété par Ruzil Gatin : le ténor russe fait preuve de moyens exceptionnels au niveau technique, se jouant des difficultés sur toute la tessiture, notamment en voix de tête. Le débit des accélérations est également admirablement exécuté, mais il manque à Gatin la présence scénique indispensable à ce rôle prépondérant.

A ses côtés, tous les seconds rôles se montrent à un niveau superlatif, au premier rang desquels Marcello Rosiello (Beaupertuis), qui illumine le II par sa classe interprétative : la noblesse de ses phrasés et sa projection aisée sont un régal à chaque apparition. On aime aussi le père ridicule interprété par Pietro Spagnoli, malgré des couleurs et une puissance plus modeste en comparaison. Rien de tel pour Maria Grazia Schiavo (Elena), qui fait vivre son personnage mineur d’une grâce sans ostentation, à l’instar de la parfaite Josy Santos (La Baronessa de Champigny), également très convaincante.

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