dimanche 30 novembre 2025

« La Nuit de Noël » de Nikolaï Rimski-Korsakov - Barrie Kosky - Opéra de Munich - 29/11/2025

Parmi les événements de la saison 25/26 de la Bayerische Staatsoper de Munich, le cinquième opéra de Nikolaï Rimski-Korsakov, La Nuit de Noël, reçoit les honneurs d’une nouvelle production confiée à Barrie Kosky : transposée dans un univers forain déjanté et haut en couleurs, la farce fait mouche, malgré la direction trop sage de Vladimir Jurowski dans la fosse.

L’Opéra de Munich surprend cet automne en faisant entrer pour la première fois à son répertoire un ouvrage de Rimski-Korsakov, La Nuit de Noël (1895) : on ne peut que se réjouir de cette initiative qui permet de sortir des sentiers battus habituellement dévolus aux ouvrages russes, limités aux seuls opéras de Tchaïkovski ou Moussorgski. Avec La Nuit de Noël, on découvre un Rimski-Korsakov à son meilleur, inspiré comme souvent par les sujets populaires mêlés de comique et de fantastique, à l’instar du Conte du Tsar Saltane (donné en début d'année à Madrid) ou du Coq d’or (en 2021 à Lyon), par exemple.

Déjà adapté en 1876 par Tchaïkovski sous le titre de Vakoula le forgeron (puis renommé Les Souliers de la reine lors de la deuxième mouture de 1885), le livret de La Nuit de Noël puise sa source dans l’un des contes les plus célèbres de Gogol, dont l’action se situe dans une bourgade ukrainienne. En célébrant cette région alors affectueusement surnommée « petite Russie », Rimski-Korsakov se régale des mélodies traditionnelles locales, en les incluant notamment dans les délicieuses danses de célébration impériale du troisième acte. L’atout majeur de l’ouvrage réside dans la variété inépuisable de son inspiration orchestrale, aux atmosphères constamment réinventées : Vladimir Jurowski, directeur musical de l’Orchestre de l’Opéra d’Etat de Bavière, se montre malheureusement un rien timide pour faire vivre les parties dédiées au merveilleux d’une emphase et de couleurs plus affirmées. La volonté d’allègement des textures et le refus du pathos conduisent ainsi à une ascèse d’un incontestable raffinement, mais qui sonne trop uniforme par endroits.

Fort heureusement, le plateau vocal réuni pour l’occasion emporte l’adhésion jusque dans ses moindres seconds rôles, tous distribués généreusement. C’est en effet là l’une des gageures de l’ouvrage, qui possède de nombreux personnages truculents, tout autant qu’une place décisive confiée au chœur, ici à la hauteur de l’événement par son engagement et sa précision. Parmi les rôles de caractère, se distingue Vsevolod Grivnov (Le diacre Ossip), qui n’a pas son pareil pour incarner la prétention et le ridicule, grâce à sa voix puissante et bien articulée. On aime aussi les solides Sergei Leiferkus (Le maire) et Dmitry Ulyanov (Tchoub), tandis que Violeta Urmana (La tsarine) donne beaucoup de classe à sa courte prestation. Si elle manque quelque peu de puissance, Ekaterina Semenchuk (Solokha) fait valoir des graves splendides, autant qu’une composition malicieuse. A ses côtés, Elena Tsallagova (Oxana) montre un aplomb bienvenu en pleine voix, malgré quelques duretés dans l’aigu et un médium plus discret. On lui préfère le superlatif Sergey Skorokhodov (Vakoula), qui fait valoir toute une palette d’émotion grâce à ses phrasés aériens, d’une tenue de ligne parfaite.

Après l’élégante mise en scène de Christof Loy donnée à Francfort en 2023, Barry Kosky nous plonge dans une veillée villageoise baignée de tradition orale, où les événements sont racontés avec les moyens du bord. On assiste ainsi au bricolage à vue d’une pochade aux traits volontairement exagérés, comme au cirque. Accentuant la différenciation avec le peuple, les costumes et les maquillages aux couleurs criardes des notables permettent d’insister sur la satire aimable de leurs hypocrisies et faux-semblants. Comme à son habitude, Kosky met aussi un soin particulier à la direction d’acteur, en nous embarquant dans un irrésistible élan fraternel et tendre, à la manière du travail mené pour la comédie musicale Un Violon sur le toit, à Berlin, puis Strasbourg. On aime aussi l’apport des danseurs et acrobates, qui donne beaucoup de vitalité à l’ensemble, sans jamais en faire trop. Un spectacle très réussi à découvrir pour les fêtes de fin d’année, qui restitue avec brio la générosité de l’esprit populaire slave.

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