Günther Herbig |
Evénement hier soir avec la venue à la Cité de la musique, renommée
«Philharmonie 2» en janvier prochain, de Günther Herbig, successeur de
Kurt Sanderling en 1977 à la tête du Berliner Sinfonie-Orchester,
principale formation du Berlin-Est d’avant la réunification. C’est
précisément en 1984, avant le dégel entre les deux superpuissances, que
le chef allemand va quitter son pays pour faire carrière en Amérique, de
Detroit à Dallas, en passant par Toronto. Des orchestres rares en
Europe, tout comme un chef peu présent au disque (hormis la période
Berlin-Est ou, plus récemment, une intégrale Chostakovitch
remarquée), expliquent pourquoi la figure de Herbig reste peu connue
dans l’Hexagone, même s’il a dirigé à plusieurs reprises le
Philharmonique de Radio France au début des années 2000. Les
connaisseurs, ainsi qu’une communauté allemande très représentée,
avaient fait hier le déplacement pour fêter les 83 ans de l’ancien élève
des Abendroth, Scherchen et Karajan – excusez du peu!
Si l’on peut redouter un homme fatigué au vu de la chaise haute placée devant le pupitre, l’arrivée de Günther Herbig déjoue immédiatement les appréhensions, le chef dirigeant debout pendant toute la représentation. En seconde partie, cette même chaise a logiquement disparu alors que les premières notes des Quatre derniers lieder résonnent avec le «Printemps» («Frühling»). La direction surprend immédiatement par son allant, son absence de pathos et son vibrato réduit au strict minimum. Aérienne et claire, cette volonté d’alléger les textures sera constante tout au long de la soirée, alternant couleurs délicates et détails révélés dans une optique analytique.
Ainsi révélés, ces lieder gagnent en poésie ce qu’ils perdent en lyrisme et en intensité dramatique, particulièrement les dernières notes poignantes du «Soleil couchant» («Im Abendrot»). C’est précisément dans les deux derniers numéros que Petra Lang s’en sort le mieux, imposant son timbre de miel et sa diction soignée, pour épouser la vision chambriste de Herbig. L’ancienne mezzo-soprano souffre cependant de quelques difficultés techniques dans les deux premiers lieder, forçant les passages du piano au fortissimo, et manquant d’agilité dans les passages virtuoses. Mais elle garde cependant toujours son assurance malgré les accrocs, imperturbable et majestueuse face à un public qui finit par l’applaudir assez chaleureusement.
En seconde partie, Herbig poursuit sur sa lancée dans la Septième Symphonie de Chostakovitch, créée pendant la Seconde Guerre mondiale et immense succès à travers le monde en raison de ses thèmes marquants immédiatement identifiables. On pense bien sûr à la marche de l’Allegretto initial, célèbre pour sa scansion à la caisse claire à la manière du Boléro de Ravel. L’entrain irrésistible vers un tutti dantesque rappelant le Chostakovitch plus moderniste des années 1920 est ici entonné avec une inhabituelle douceur, à la limite de l’audible en son début, Herbig construisant un crescendo d’une extrême lisibilité, sans tomber pour autant dans le maniérisme. Si une telle lecture convient bien à un mouvement aussi architecturé, à la mélodie principale facilement identifiable, on ne peut en dire autant dans le suivant, où Chostakovitch se montre volontiers plus espiègle et plus grinçant. En ralentissant quelque peu le tempo, en lissant les ruptures et en fouillant trop les détails, ce Chostakovitch-là en deviendrait presque trivial et prosaïque.
Fort heureusement, les douleurs de l’Adagio conviennent mieux à cette vision, les cris déchirants aux premiers violons étant ici volontairement nuancés pour faire ressortir les autres pupitres, particulièrement les bois. On perd quelque peu la vision d’ensemble mais qu’importe, se laisser aller à un festival de couleurs savoureuses offre une révélation inattendue: celle de redécouvrir cette symphonie que l’on pensait bien connue. Enchaîné avec l’Adagio, le dernier mouvement se conclut dans une allégresse contenue, parfaitement en place, portée par un orchestre décidément surprenant. Impeccables pendant toute la représentation, ses jeunes membres ne sont pas pour rien dans l’immense ovation finale. Le chef prend ensuite le temps de se mouvoir dans l’orchestre pour faire applaudir chaque pupitre, aussi bien par le public que par les musiciens, très chaleureux entre eux. Des interprètes ivres de plaisir face à ce chef allemand manifestement heureux de passer le flambeau d’une passion dévorante pour la musique.
Si l’on peut redouter un homme fatigué au vu de la chaise haute placée devant le pupitre, l’arrivée de Günther Herbig déjoue immédiatement les appréhensions, le chef dirigeant debout pendant toute la représentation. En seconde partie, cette même chaise a logiquement disparu alors que les premières notes des Quatre derniers lieder résonnent avec le «Printemps» («Frühling»). La direction surprend immédiatement par son allant, son absence de pathos et son vibrato réduit au strict minimum. Aérienne et claire, cette volonté d’alléger les textures sera constante tout au long de la soirée, alternant couleurs délicates et détails révélés dans une optique analytique.
Ainsi révélés, ces lieder gagnent en poésie ce qu’ils perdent en lyrisme et en intensité dramatique, particulièrement les dernières notes poignantes du «Soleil couchant» («Im Abendrot»). C’est précisément dans les deux derniers numéros que Petra Lang s’en sort le mieux, imposant son timbre de miel et sa diction soignée, pour épouser la vision chambriste de Herbig. L’ancienne mezzo-soprano souffre cependant de quelques difficultés techniques dans les deux premiers lieder, forçant les passages du piano au fortissimo, et manquant d’agilité dans les passages virtuoses. Mais elle garde cependant toujours son assurance malgré les accrocs, imperturbable et majestueuse face à un public qui finit par l’applaudir assez chaleureusement.
En seconde partie, Herbig poursuit sur sa lancée dans la Septième Symphonie de Chostakovitch, créée pendant la Seconde Guerre mondiale et immense succès à travers le monde en raison de ses thèmes marquants immédiatement identifiables. On pense bien sûr à la marche de l’Allegretto initial, célèbre pour sa scansion à la caisse claire à la manière du Boléro de Ravel. L’entrain irrésistible vers un tutti dantesque rappelant le Chostakovitch plus moderniste des années 1920 est ici entonné avec une inhabituelle douceur, à la limite de l’audible en son début, Herbig construisant un crescendo d’une extrême lisibilité, sans tomber pour autant dans le maniérisme. Si une telle lecture convient bien à un mouvement aussi architecturé, à la mélodie principale facilement identifiable, on ne peut en dire autant dans le suivant, où Chostakovitch se montre volontiers plus espiègle et plus grinçant. En ralentissant quelque peu le tempo, en lissant les ruptures et en fouillant trop les détails, ce Chostakovitch-là en deviendrait presque trivial et prosaïque.
Fort heureusement, les douleurs de l’Adagio conviennent mieux à cette vision, les cris déchirants aux premiers violons étant ici volontairement nuancés pour faire ressortir les autres pupitres, particulièrement les bois. On perd quelque peu la vision d’ensemble mais qu’importe, se laisser aller à un festival de couleurs savoureuses offre une révélation inattendue: celle de redécouvrir cette symphonie que l’on pensait bien connue. Enchaîné avec l’Adagio, le dernier mouvement se conclut dans une allégresse contenue, parfaitement en place, portée par un orchestre décidément surprenant. Impeccables pendant toute la représentation, ses jeunes membres ne sont pas pour rien dans l’immense ovation finale. Le chef prend ensuite le temps de se mouvoir dans l’orchestre pour faire applaudir chaque pupitre, aussi bien par le public que par les musiciens, très chaleureux entre eux. Des interprètes ivres de plaisir face à ce chef allemand manifestement heureux de passer le flambeau d’une passion dévorante pour la musique.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire