mardi 23 décembre 2014

« Le Roi et moi » de Richard Rodgers - Théâtre de la Croix-Rousse à Lyon - 20/12/2014


Directeur du Théâtre de la Croix-Rousse, Jean Lacornerie doit sa nomination en 2010 à la création d’un projet de croisement entre le théâtre et la musique – un projet qui a conduit tout naturellement à un partenariat avec l’Opéra de Lyon. Homme de théâtre passionné par le lyrique, l’ancien secrétaire général de la Comédie-Française s’intéresse depuis longtemps à des genres variés, des opérettes d’Offenbach aux opéras du milieu du XXe siècle (Copland, Bernstein ou Weill), en passant par les comédies musicales américaines. C’est ainsi qu’il a monté l’an passé Le Roi et moi, l’une des œuvres emblématiques de l’inséparable couple Rodgers et Hammerstein II, bien connus pour leur célébrissime Mélodie du bonheur. Si le public parisien a pu découvrir ces œuvres dans des mises en scène nouvelles au Châtelet, c’est désormais au tour de la Croix-Rousse de lui emboîter le pas avec bonheur.

Jean Lacornerie nous propose ici une adaptation de moins d’une heure et demie sans entracte (contre trois heures un quart avec entracte au Châtelet), comportant neuf musiciens de l’Orchestre de l’Opéra de Lyon, trois solistes adultes et la Maîtrise des jeunes chanteurs de l’Opéra. Le spectacle s’adresse tout d’abord aux enfants, très nombreux dans la salle pour applaudir cette histoire de gouvernante anglophone appelée au Siam afin d’éduquer les nombreux rejetons du Roi. Une histoire simple où, petit à petit, le souverain autoritaire va s’éprendre de cette femme qui tente de lui apprendre les bonnes manières occidentales. On touche là la principale faiblesse de cette œuvre truffée de préjugés colonialistes dénonçant aussi bien la misogynie ou la polygamie du Roi que les traditions vestimentaires locales et la façon de manger. Fort heureusement, l’œuvre fait la part belle à l’humour, telle la désopilante scène où la gouvernante se doit de ne jamais avoir la tête plus haute que le souverain.


Habilement, la partition de Richard Rodgers ne tente jamais de nous embarquer dans un orientalisme de pacotille, privilégiant le grand spectacle à l’américaine avec force lyrisme. Seules les références à Bouddha laissent entrevoir un travail notable sur les percussions, magnifiquement rendus par la précision des musiciens de l’Opéra de Lyon sous la baguette alerte de Karine Locatelli. Sans doute contraint par l’exiguïté des lieux, la scénographie d’Alice Duchange adopte une sobriété du meilleur effet, à partir de voiles évoquant à la fois la dentelle et les cristaux de neige – en référence à l’ébahissement des Siamois devant ce phénomène inconnu pour eux. Seule une petite alcôve surplombant l’arrière-scène évoque la chambre du Roi, permettant des variations d’éclairages poétiques. Le reste du temps, l’action se situe au plus près de la rampe, de la leçon de classe à l’irrésistible pièce de théâtre interprétée par les enfants pour séduire les Européens. C’est sans doute là que Lacornerie se montre le plus inventif, convoquant une truculente gamme d’accessoires en un ballet virevoltant, tendre et généreux.


Si les enfants se montrent parfois légèrement empruntés dans leurs déplacements scéniques, rien à dire en revanche côté chant. Cohésion et justesse sont la marque de ce bel ensemble. Tous sont admirablement soutenus par l’impériale Edwige Bourdy, bien connue des habitués de La Péniche Opéra à Paris. La soprano possède le souffle, l’intensité et la distinction propres à ce répertoire plus difficile qu’il y paraît avec son alternance de théâtre et de chant. L’impeccable Jacques Verzier, aux faux airs de Yul Brynner (l’interprète originel du rôle du Roi), dispose peu ou prou de ces qualités, même s’il met davantage de temps à se chauffer avant de convaincre pleinement. Catherine Séon en Lady Thiang s’en sort correctement, mais sans jamais se situer à la hauteur des deux rôles principaux. Jeanne Dumonteil remplace Volodia Bouchard, souffrante en première partie, en offrant à l’air de Tup-Tim une légèreté aérienne parfaitement maîtrisée, à la diction idéale.


Assurément un spectacle recommandé pour les fêtes de fin d’année, à découvrir avec les plus petits.

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