Précipitez-vous ! Il reste encore quelques jours pour assister à la superbe Rusalka mise en scène par Stefan Herheim à Lyon, un spectacle déjà salué à Bruxelles en 2008 et 2012, avant l’édition en DVD voilà tout juste quelques jours.
Une opportune reprise pour cette œuvre de Dvorák qui n’avait jamais été
présentée par Serge Dorny depuis sa prise de fonction en 2003, tout
comme les autres opéras du maître tchèque, il est vrai rarement donnés
en dehors de son pays. On comprend aisément à la découverte de cette
mise en scène pourquoi Dorny s’est enfin intéressé au chef-d’œuvre
lyrique de son auteur, composé en 1901 au soir de sa vie.
Stefan Herheim choisit en effet de revisiter entièrement une histoire assez classique, fondée entre autres sur le conte bien connu de La Petite Sirène d’Andersen. Le spectacle commence par l’ajout d’un prologue sans musique qui montre l’agitation d’un quartier populaire contemporain près d’une bouche de métro. D’emblée, tous les personnages du drame à venir sont réunis dans une partition muette: la sorcière grimée en clocharde, Rusalka en prostituée et l’Ondin hagard. Si la transposition de l’héroïne en fille de joie n’est pas une nouveauté, le metteur en scène norvégien a l’idée de mettre au centre de l’action la figure de l’Ondin, lui faisant revivre tous les épisodes qui le conduisent à la perte de sa chère Rusalka. Ici, la belle n’est plus sa fille mais son amante, que l’on retrouve au deuxième acte sous les traits de la Princesse étrangère, tandis que le personnage de l’Ondin et du Prince ne font qu’un. Dans un ballet fascinant de beauté autour de l’enchevêtrement des personnages en miroir, le vieil homme se revoit faire une à une les erreurs du passé, aussi impuissant qu’ébahi.
Tout dans cette transposition se tient – même s’il faut déjà bien connaître le livret pour en comprendre toutes les allusions et subtilités. Dès la scène d’ouverture avec les trois nymphes, un enfant prend ainsi les traits de l’Ondin, déjà jouet des tentations féminines qui le feront à jamais hésiter entre la nécessité d’une épouse sérieuse mais potentiellement frigide, et l’attrait du désir animal représentée par la prostituée. Ce parti pris apporte une théâtralité constante à un livret par ailleurs fort habile, mais d’autant plus riche ici. Herheim a également l’idée d’introduire une mise en abyme saisissante au deuxième acte, lorsque le Prince et sa favorite confortablement installés dans une loge de l’Opéra de Lyon, assistent au ballet puis au chœur des convives transformé en carnaval volontiers bon enfant. Lorsque Rusalka paraît sur scène pour regretter son amour désormais perdu, le Prince et la Princesse étrangère surgissent sur le plateau pour se plaindre du non-respect de l’histoire attendue, en brandissant avec véhémence le petit livret rouge de l’Opéra de Lyon!
Au-delà d’une direction d’acteurs millimétrée, toujours en phase avec les moindres inflexions musicales de Dvorák, Herheim propose une scénographie somptueuse, jamais avare d’effets visuels tous réussis autour de séduisants éclairages bleutés. L’imagination débridée des costumes constitue un autre atout de cette production qui ne se contente pas d’une transposition à l’intellectualisme froid mais choisit de montrer fastueusement les prémisses d’un fait divers finalement très ordinaire. Ainsi, si l’on peut regretter qu’aucune note de mise en scène ne vienne expliquer cette transposition pour le non-averti, on pourra aussi se laisser emporter par cet enchantement visuel constant.
Dans le rôle de l’Ondin serial killer, Karoly Szemeredy montre une bouleversante fragilité pendant toute la représentation, toujours éperdu de remords, impressionnant de présence physique. Sa voix est au diapason, jamais tonitruante ou agressive, mais bien d’une humanité touchante. Pourtant habituée du rôle-titre, Camilla Nylund déçoit en comparaison avec une faiblesse de projection et un manque de couleurs dans la voix. Mais elle possède aussi un sens de l’articulation, une noblesse dans l’interprétation, qui font du chant à la lune un moment de grâce certain. De puissance, Dmytro Popov (Le Prince) n’en manque pas, et chaque intervention du chanteur ukrainien est un régal. Rondeur du timbre, souplesse de l’émission, éloquence radieuse, les qualificatifs ne manquent pas. Rien de tel en revanche pour la Princesse étrangère d’Annalena Persson, au timbre assez ingrat, à l’émission étroite. Fort heureusement, Janina Baechle imprime à sa Jezibaba tout le velours d’un timbre superbe, doublé d’une interprétation malicieuse du meilleur effet. On ne tarira pas d’éloges également pour tous les seconds rôles, des délicieuses nymphes au naïf chasseur.
Outre un chœur superlatif, l’autre atout de la soirée est la direction de Konstantin Chudovsky, d’une lenteur habitée, rugissante par moments, mais surtout d’un constant élan narratif, et ce même si l’orchestre de l’Opéra de Lyon montre parfois, ici et là, quelques faiblesses techniques. De bien infimes réserves pour une soirée qui n’aura manqué, pour nous emporter totalement, qu’une Rusalka de haut niveau. Restent un Prince de rêve, et surtout une mise en scène passionnante du début à la fin du spectacle, à découvrir jusqu’au 1er janvier 2015.
Stefan Herheim choisit en effet de revisiter entièrement une histoire assez classique, fondée entre autres sur le conte bien connu de La Petite Sirène d’Andersen. Le spectacle commence par l’ajout d’un prologue sans musique qui montre l’agitation d’un quartier populaire contemporain près d’une bouche de métro. D’emblée, tous les personnages du drame à venir sont réunis dans une partition muette: la sorcière grimée en clocharde, Rusalka en prostituée et l’Ondin hagard. Si la transposition de l’héroïne en fille de joie n’est pas une nouveauté, le metteur en scène norvégien a l’idée de mettre au centre de l’action la figure de l’Ondin, lui faisant revivre tous les épisodes qui le conduisent à la perte de sa chère Rusalka. Ici, la belle n’est plus sa fille mais son amante, que l’on retrouve au deuxième acte sous les traits de la Princesse étrangère, tandis que le personnage de l’Ondin et du Prince ne font qu’un. Dans un ballet fascinant de beauté autour de l’enchevêtrement des personnages en miroir, le vieil homme se revoit faire une à une les erreurs du passé, aussi impuissant qu’ébahi.
Tout dans cette transposition se tient – même s’il faut déjà bien connaître le livret pour en comprendre toutes les allusions et subtilités. Dès la scène d’ouverture avec les trois nymphes, un enfant prend ainsi les traits de l’Ondin, déjà jouet des tentations féminines qui le feront à jamais hésiter entre la nécessité d’une épouse sérieuse mais potentiellement frigide, et l’attrait du désir animal représentée par la prostituée. Ce parti pris apporte une théâtralité constante à un livret par ailleurs fort habile, mais d’autant plus riche ici. Herheim a également l’idée d’introduire une mise en abyme saisissante au deuxième acte, lorsque le Prince et sa favorite confortablement installés dans une loge de l’Opéra de Lyon, assistent au ballet puis au chœur des convives transformé en carnaval volontiers bon enfant. Lorsque Rusalka paraît sur scène pour regretter son amour désormais perdu, le Prince et la Princesse étrangère surgissent sur le plateau pour se plaindre du non-respect de l’histoire attendue, en brandissant avec véhémence le petit livret rouge de l’Opéra de Lyon!
Au-delà d’une direction d’acteurs millimétrée, toujours en phase avec les moindres inflexions musicales de Dvorák, Herheim propose une scénographie somptueuse, jamais avare d’effets visuels tous réussis autour de séduisants éclairages bleutés. L’imagination débridée des costumes constitue un autre atout de cette production qui ne se contente pas d’une transposition à l’intellectualisme froid mais choisit de montrer fastueusement les prémisses d’un fait divers finalement très ordinaire. Ainsi, si l’on peut regretter qu’aucune note de mise en scène ne vienne expliquer cette transposition pour le non-averti, on pourra aussi se laisser emporter par cet enchantement visuel constant.
Dans le rôle de l’Ondin serial killer, Karoly Szemeredy montre une bouleversante fragilité pendant toute la représentation, toujours éperdu de remords, impressionnant de présence physique. Sa voix est au diapason, jamais tonitruante ou agressive, mais bien d’une humanité touchante. Pourtant habituée du rôle-titre, Camilla Nylund déçoit en comparaison avec une faiblesse de projection et un manque de couleurs dans la voix. Mais elle possède aussi un sens de l’articulation, une noblesse dans l’interprétation, qui font du chant à la lune un moment de grâce certain. De puissance, Dmytro Popov (Le Prince) n’en manque pas, et chaque intervention du chanteur ukrainien est un régal. Rondeur du timbre, souplesse de l’émission, éloquence radieuse, les qualificatifs ne manquent pas. Rien de tel en revanche pour la Princesse étrangère d’Annalena Persson, au timbre assez ingrat, à l’émission étroite. Fort heureusement, Janina Baechle imprime à sa Jezibaba tout le velours d’un timbre superbe, doublé d’une interprétation malicieuse du meilleur effet. On ne tarira pas d’éloges également pour tous les seconds rôles, des délicieuses nymphes au naïf chasseur.
Outre un chœur superlatif, l’autre atout de la soirée est la direction de Konstantin Chudovsky, d’une lenteur habitée, rugissante par moments, mais surtout d’un constant élan narratif, et ce même si l’orchestre de l’Opéra de Lyon montre parfois, ici et là, quelques faiblesses techniques. De bien infimes réserves pour une soirée qui n’aura manqué, pour nous emporter totalement, qu’une Rusalka de haut niveau. Restent un Prince de rêve, et surtout une mise en scène passionnante du début à la fin du spectacle, à découvrir jusqu’au 1er janvier 2015.
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